À
Herrn Magnus Van Baumer
Handelbezirk
Nuln
Averheim, le 24 Sigmarzeit 2521
Mon très cher papa,
Nous nous sommes octroyé
aujourd’hui une petite journée de repos, bien méritée, et j’en profite pour te
donner quelques nouvelles de l’évolution de la situation.
Reprenons les évènements dans
l’ordre.
Tout d’abord, nous avons poursuivi
nos recherches sur la « Cagoule noire » : notre seul lien direct
avec cet homme mystérieux étant le prêteur Stanislaus Schlussel, que
nous avons vu une seule fois au Porc-Debout, mais jusqu’ici, nos tentatives pour
lui parler ont toujours échoué ; nous n’avons même plus réussi à le
revoir. Lars et Klueber ont découvert que le sous-sol de la taverne abritait un
tripot, mais ils n’ont pas pu y entrer. Leur dernière virée s’est même soldée
par quelques vilaines blessures pour Klueber, suite à une nouvelle bagarre
entre les dockers. La tension entre les « Poissons » et les
« Rats des quais » est à son comble, on commence désormais à compter
les morts.
Nous devons également déplorer la mort du nain Kurgan Brakelson,
dont l’entrepôt avait été la cible de menaces de la part de la
« Cagoule » et de sa bande. Grunilda avait été l’aider à surveiller
sa propriété, mais suite à notre rencontre avec les mutants, elle était trop
blessée et fatiguée pour y retourner. La nuit même, un incendie a ravagé
l’entrepôt et tout ce qu’il contenait. Il n’en reste plus qu’un énorme tas de
gravats et de cendres fumantes. Il semblerait que le nain ait péri au cours du
sinistre.
Grunilda a été très contrariée, elle
se sent coupable de n’avoir pu mieux aider son congénère... Je comprends sa
tristesse, les nains sont très solidaires. Pourtant, il n’y a rien qu’elle aurait
pu faire dans son état et nous non plus d’ailleurs. Mais, je n’aimerais pas
être à la place du pyromane si elle lui met la main dessus !
Non, vraiment, les quais ne sont pas sûrs ! Avant-hier, au
matin, quand nous nous sommes absentés pour aller chercher notre paie à la Compagnie
de la Flèche rouge, des individus en ont profité pour fouiller notre péniche. Ils
ont tout mis sens dessus-dessous, mais il semble qu’ils n’aient rien
volé ; au moins pour le moment, nous n’avons rien remarqué. Évidemment,
personne n’a rien vu ! Il faut dire qu’il y avait ce matin-là un
brouillard à couper au couteau...
Du coup, nous avons décidé
d’embaucher un garde pour surveiller le bateau lorsque nous ne sommes pas là.
Par chance, nous n’avons pas eu besoin de chercher bien longtemps. Nous avions
croisé plusieurs fois, à l’auberge du Cheval Blanc, un mercenaire kislévite, nommé
Evgueni Chadowitz, et nous savions qu’il cherchait du travail. C’est un géant,
avec une mine peu engageante, armé d’une hache presque aussi grande que moi. Sa
seule présence devrait suffire à dissuader tout nouvel intrus.
Nous avons donc poursuivi nos
recherches en ville. Nous avons décidé d’enquêter d’abord chez les
médecins : nos dernières rencontres avec des gens de cette profession nous
ont rendus méfiants. Nous avions de bonne raison d’aller consulter après notre
combat contre les mutants, mais nous n’avons rien trouvé de suspect au cabinet
du seul médecin que nous avons pu voir.
Nous nous sommes ensuite rendus au
temple de Shallya. Le bruit court, par ici, qu’un temple proche de Stormdorf a
été « purifié » par les Sigmarites car les prêtres y auraient abrité
des mutants.
Nous en avons profité pour nous
faire encore soigner par une bonne sœur nommée Henriette. Lorsque nous l’avons
interrogée sur les disparitions sur les docks, elle nous a conduits à frère Harkon
qui prend soin des pauvres du port, notamment en leur apportant à manger toutes
les semaines. Il nous a dit ne rien savoir de ces évènements mais il a remarqué
depuis quelques temps l’absence d’un de ses habitués, un mendiant du nom de
Franz.
En début de soirée, alors que nous
étions retournés nous reposer sur la péniche, nous avons reçu la visite du
capitaine Baerfaust. Tu le connais peut-être de réputation car ce vétéran est
un héros qui a combattu au col du Feu Noir. Aujourd’hui, il est responsable de
la sécurité de la ville. C’est un homme d’un certain âge, mais d’une grande
prestance. Il est aussi très autoritaire et on comprend vite qu’il a l’habitude
qu’on lui obéisse sans discuter.
Il souhaitait nous poser des
questions sur les mutants et nous a invités dans une auberge réputée, L’épée de
Sigismond, avec un chef-cuisinier halfelin.
C’est Curd Weiss, de la Flèche
Rouge, qui lui aurait raconté nos exploits. Il nous a interrogés de manière
très directe et nous avons répondu à toutes ses questions, sans rechigner. Il
nous a parlé aussi des barils de poudre, je lui ai expliqué que tu es mon père
et que lorsque j’ai vu le nom de notre famille, j’ai préféré les garder pour te
demander conseil. Évidemment, puisqu’ils sont destinés à la ville, j’ai promis
de les rendre. Nous avons proposé nos services notamment pour le guider jusqu’à
l’antre de ces bêtes, mais il a décliné d’un air un peu méprisant.
Il nous a également demandé ce que
nous venions faire ici. Nous lui avons parlé de nos enquêtes et des
disparitions sur les docks, mais il n’a pas eu l’air de prendre ces histoires
au sérieux. J’ai alors essayé de lui expliquer que l’affaire était peut-être
plus grave qu’il n’y parait et que nous avions des indices manifestes d’utilisation
de magie corrompue. Cette révélation a hélas eu l’effet inverse de celui escompté :
le capitaine ne semble guère porter les mages dans son cœur et il a eu des
paroles très blessantes. Ce genre d’attitude me dégoûte vraiment et à plus
forte raison venant d’un vétéran ! Quand je pense à tous les mages de mon
ordre, dévoués à l’Empire et qui sont morts au champ d’honneur ! Quand je
pense à mon maître, en route avec un ost et prêt à braver tous les
dangers !
Lorsque nous avons fini de
satisfaire sa curiosité, il a mis fin à notre entretien sans plus de
cérémonie et nous a planté là. Je sais bien qu’un homme comme lui doit être
très occupé, mais je l’ai trouvé vraiment hautain et dédaigneux, il peut bien
se donner de grands airs, cet homme m’inspire aucune confiance.
Lorsque nous avons rendu visite à
Curd Weiss, le 22 au matin, il nous dit combien il appréciait notre service et,
sans grande surprise, il nous proposa de revenir le lendemain pour une nouvelle
mission. Ainsi, le 23 nous voici de retour à la Compagnie de la Flèche rouge. Notre
rôle consistait à escorter la Gavin Clothilde, de la fameuse famille des von
Alptraum, afin de piéger une bande de détrousseurs qui pille systématiquement
les diligences et les convois de la compagnie. La noble dame s’était portée
volontaire et un grand tapage avait été fait autour de son voyage de la ville
vers une de ses résidences de campagne ; nous devions protéger la Gavin
et, bien entendu, arrêter les bandits. En dépit de la présence du garde du
corps de la dame et du meilleur cocher de la Compagnie, ce travail s’annonçait
assez périlleux. Mais nous ne pouvions pas vraiment refuser : Curd est en
quelque sorte le bras droit du Graf Von Kaufman par conséquent, nous avons tout
intérêt à gagner son estime. Je crois aussi que Klueber et Lars ont été
passablement émoustillés par l’idée de rencontrer la Gavin Clothilde tant
réputée pour sa beauté.
Après un tonitruant tour sur la
place centrale, nous voici partis dans la calèche en compagnie de la dame. Elle
est effectivement très belle et aussi très avenante pour une personne de son
rang.
A une assez faible distance de la ville et à peine l’orée de la
forêt franchie, notre attelage est stoppé par un arbre abattu en travers de la
route. Lars et moi descendons subrepticement afin d’approcher de l’obstacle en
passant par les bois, puis la calèche continue jusqu’à l’arbre. Pendant que
notre cocher détache les chevaux pour leur faire évacuer le tronc, Lars me fait
signe et me montre une ombre dissimulée dans les buissons et observant la
scène. Nous avançons en silence et réussissons à prendre par surprise une jeune
fille, encore adolescente. Lorsque nous la questionnons, elle finit par nous
dire qu’elle passait par là quand, voyant l’obstacle, elle s’est arrêtée. En
fouillant ses affaires nous trouvons une petite corne d’appel. Pour nous, il ne
fait pas de doute qu’il s’agit d’une guetteuse et qu’une fois l’arbre ôté du
chemin, elle sonnera pour prévenir ses complices de notre arrivée. Nous
décidons de l’attacher à un arbre et de lui subtiliser son instrument. Afin de
ne pas alarmer ses complices, et donc de les voir puisque c’est bien notre
objectif, Lars souffle dans la trompe et nous reprenons notre chemin.
Le résultat ne se fait pas
attendre et un peu plus loin, un homme à cheval fait arrêter la calèche sous la
menace d’une arme à feu. Il demande que la dame jette par la portière l’une de
ses couteuses bagues. Ce qu’elle fait et au moment ou un autre bandit s’avance
pour la prendre nous déboulons hors de la voiture, comptant sur l’effet de
surprise : celui qui se trouvait le plus près n’avait aucune chance, hélas
il n’était pas seul et c’est nous qui avons eu la surprise de recevoir une
volée de balles parties des sous-bois. Nos assaillants se révélèrent plus nombreux
que nous le pensions, au moins une dizaine d’hommes, et notre équipage est
cerné. Très vite, nous sommes tous blessés, même Grunilda se fait malmener par
un mage de l’ordre améthyste qui l’a pris pour cible. Je reconnais très vite
ses sorts enfumés et leurs effets morbides, mais j’ai déjà fort à faire de mon
côté. Et puis, même diminuée, notre naine finit par l’atteindre. Malgré la
rudesse de l’assaut, nous parvenons à reprendre le dessus et nous tuons
plusieurs attaquants, provoquant la fuite des autres, blessés et apeurés ;
leur chef à cheval est l’un des derniers à déguerpir.
Nous n’avons pas eu toute la
bande, mais tout de même six d’entre eux, dont le mage qui était certainement
une de leur pièce maitresse et il est vraisemblable qu’ils ne recommenceront
pas leurs larcins de sitôt.
En fouillant les corps, nous
découvrons qu’ils portent des tuniques délavées aux couleurs d’Averheim et des
armes marquées du blason de la garde. Des déserteurs ! Nous avons pu
observer que les gardes étaient peu nombreux en ville et qu’ils se contentaient
de patrouiller à l’intérieur des murs. Je ne serais pas étonnée d’apprendre
qu’ils ne perçoivent pas leur solde très régulièrement. Dans cette ville,
décidemment tout part à vau-l’eau !
Nous retrouvons dans la calèche la pauvre Gavin terrée sous la
banquette, traumatisée mais sans la moindre égratignure. Nous la rassurons, lui
rendons sa bague et reprenons notre route vers sa résidence. Nous y parvenons
quelques heures plus tard et sur le pas de la porte nous sommes accueillis par
des serviteurs, un prêtre de Shallya et … la Gavin Clothilde car celle que nous
accompagnons n’était qu’une dame de compagnie, dotée d’une très forte
ressemblance avec sa maitresse.
Ce dénouement n’est guère
étonnant, il aurait été vraiment inconcevable qu’une dame de si haute noblesse
accepte de prendre de tels risques ! Mais pour nous, la mission est
remplie et elle nous félicite chaudement. On nous offre à manger, à boire et le
bon prêtre de Shallya soigne même nos blessures. Toutefois, nous ne nous
éternisons pas car il vaut mieux être revenu en ville avant la nuit.
Le retour s’est déroulé sans
encombre. Nous avons fait une halte là où nous avions laissé la gamine, mais il
n’y avait plus que ses liens coupés et quelques taches de sang. Soit elle s’est
enfuie, soit ses complices sont revenus la détacher.
Le cocher de la Flèche rouge nous
a déposés sur les quais en fin d’après-midi. Nous avons mangé à l’auberge du
Cheval Blanc, où nous avons appris la disparition de deux pêcheurs, probablement
la même nuit qu’Ute. Décidément, c’est de pire en pire.
Fatigués après cette journée nous
préférons rentrer nous coucher tôt tandis que Grunilda reste dormir à l’auberge
afin de mieux récupérer.
Aussi, quelle ne fut pas notre étonnement
en la voyant surgir sur le bateau moins de deux heures plus tard. Elle voulait
nous annoncer l’arrivée à l’auberge d’une troupe d’une quinzaine de templiers,
dirigé par une femme visiblement très impressionnante, en tout cas assez pour troubler
notre naine. Elle nous appris également que Kurt, un mendiant qui trainait
toujours à l’auberge et qui était souvent avec Ute avait lui aussi disparu.
Comme il était encore tôt, nous avons été jetés un coup d’œil dans la ruelle où
il squatte, mais nous n’avons rien trouvé et nous étions trop fatigués pour
entreprendre des recherches plus approfondies.
Enfin, ce matin, revigorés par une
bonne nuit et un solide petit déjeuner, nous nous sommes rendus à la compagnie
de la Flèche rouge.
A la porte, nous avons été reçus
par un groupe de mercenaires portant un tabard que je n’ai jamais vu. Nous,
nous avons donné nos noms et annoncé que nous venions pour voir Curd Weiss. Un
des hommes est entré et ressorti presque aussitôt pour nous dire que nous
étions attendus. Le directeur de la Flèche Rouge nous a accueillis
chaleureusement. Il nous a félicités pour la manière dont nous avions mis en
déroute les bandits : le cocher lui avait déjà tout raconté et il était
très content de nous. La présence des mercenaires s’expliquait par le
rapatriement dans les locaux de la compagnie des trésors ramenés par
l’expédition dans les terres du sud, en vue de la vente qui devait avoir lieu le
lendemain. A cette occasion, le Graf Von Kaufman organise un diner ce soir, à
la taverne de la Fin du Voyage et, en raison des services que nous avons rendus
à la Compagnie, il souhaite nous y inviter et nous rencontrer.
Tu penses bien que nous avons accepté
avec plaisir : nous allons faire la connaissance d’un des nobles les plus
importants de la ville et nous en mettre plein la panse ; j’ai eu
l’occasion d’entrer dans cette taverne car c’est le lieu où se rencontrent les
membres de la Société du Soleil et il parait qu’on y mange mieux que nul part
ailleurs à Averheim !
J’ai été faire les boutiques pour
me trouver des nouvelles bottes et une belle ceinture. La cité est réputée pour
son artisanat du cuir, autant en profiter. J’ai aussi lavé ma chasuble et raccommodé
quelques accrocs, mais pas tous, juste assez pour ne pas paraître pouilleuse
tout en montrant bien que je ne passe pas les journées à enfiler des perles...
Je compte bien prendre un bon bain à l’auberge et je vais m’atteler à essayer
de démêler ma tignasse et à me faire une coiffure digne de ce nom.
Je t’en prie raconte donc à
grand-mère Keterlyn que je vais faire la connaissance d’un des meilleurs partis
de l’Empire … je suis sûre que cela l’enchantera ! Et
qu’elle ne s’inquiète pas, malgré mon état qu’elle juge si déshonorant, je vais
m’efforcer de faire bonne figure !
J’essaierais aussi de lui toucher
deux mots pour ton carnet de dessins. Je t’enverrai bientôt des nouvelles.
Prends bien soin de toi.
Je t’embrasse
Ta fille bien aimée Hannah.