À Maître Werner Beike
Collège Flamboyant
Altdorf
Ubersreik,
le Festag 16 Jahrdrung 2521
Mon bien cher
maître,
J’espère que cette
lettre vous trouvera en bonne santé et dans de bonnes dispositions car ce que
je m’apprête à vous narrer est loin d’être un récit très réjouissant …
La mission que vous
m’avez confiée et le voyage qui y est lié s’annonçaient longs et parsemés
d’embûches. Autant avouer d’emblée que, même dans mes prévisions les plus
pessimistes, j’étais encore loin d’imaginer ce qui m’attendais.
Mais, tout d’abord,
rassurez-vous, je vais aussi bien que possible. Physiquement, je ne suis
pas blessée, simplement fatiguée, mais ce n’est pas très méchant. En revanche,
ce que j’ai traversé jusqu’ici m’a profondément bouleversée…
Pour commencer, je
n’étais partie que depuis quelques jours, quand je me fis enlevée et emmenée de
force vers une destination inconnue. Je ne dus mon salut qu’à une attaque de
peaux vertes et à l’aide de trois compagnons d’infortune. Nous sommes parvenus
à nous libérer et avons pu venir à bout de nos assaillants. Hélas, le cocher de
la diligence était mort et nous étions perdus au milieu de la forêt, à des
jours de marche de tout village. En continuant sur la route, nous avons
néanmoins trouvé une auberge où passer la nuit, mais nous n’avions aucun moyen
de repartir.
Laissez-moi vous
parler un peu des personnes que cette mésaventure m’a permis de rencontrer. Il
y a tout d’abord une naine – je sais combien vous avez en haute estime les
représentants de cette race et je suis certaine que vous apprécieriez beaucoup
celle-là. Vous auriez pu la croiser autrefois sur quelques champs de bataille
avec son armure rutilante et sa hache aiguisée; une vraie guerrière, toujours
prête à se jeter dans la mêlée ! En sa compagnie, je pense que je vais finir
par partager votre opinion sur ces gens : jamais d’arrière pensée, on sait
où on va … Les deux autres m’ont inspiré moins de confiance, au début, car ils
parlaient peu et semblaient aussi plus méfiants à mon égard. Mais, nous autres
sorciers, avons l’habitude de ce genre d’attitude, n’est-ce pas ?
Toutefois, au fil des jours et des évènements, ils se sont montrés fiables en
toutes circonstances et se sont finalement des compagnons bien agréables. Le
premier, Lars Goetze, est un patrouilleur rural avec un caractère bien trempé
et toujours prêt à aider son prochain. Le second est un garde plus taciturne du
nom de Klueber : il rechigne souvent à s’engager mais, en fin de compte,
il répond toujours présent.
Notre première nuit
dans cette auberge isolée fut tout à fait incroyable. Il y avait là une gavin
et sa toute suite. Pendant la nuit, l’un de ses serviteurs, un champion de
justice, fut assassiné. Je me retrouvais, bien malgré moi, impliquée dans cette
affaire : avec mes trois compagnons, nous avons été contraints par la
gavin à l’aider et à piéger le meurtrier. Ce que nous avons réussi à faire, par
bonheur.
Je vous passe les
autres détails de cette soirée mémorable, mais je vous promets de tout vous
raconter à mon retour : des amants fuyant un fiancé jaloux qui finit par
débarquer, des prêtres de Morr promenant un cadavre et plusieurs autres
personnes assez bizarres … Je suis sûre que vous apprécierez beaucoup
cette histoire !
Cependant, nous
étions encore bel et bien coincés à l’auberge. Au petit matin, une solution
inattendue s’offrit à nous. La veille nous avions bavardé avec un homme, nommé
Vern Hendricks, qui occupe la fonction de valet auprès de lord Rickard
Aschaffenberg, un noble d’Ubersreik. Ce dernier vient de se marier et de
recevoir en dot un pavillon de chasse perdu au milieu de la forêt. Ce domaine
n’est pas très sûr : peu après leur arrivée, Vern et son maître ont dû
faire face à des attaques inexpliquées créatures sauvages, mi-hommes,
mi-chèvres. Dans ces circonstances, lord Rickard a besoin de s’assurer de la
loyauté de ses nouveaux serviteurs, or, Vern nous expliqua que le personnel du
domaine ne leur avait pas fait une très bonne impression. Notre mission
consistait donc à accompagner le valet incognito pour enquêter sur les
domestiques, en se faisant passer pour des manœuvres venus aider au
déménagement.
Nonobstant la
perspective peu réjouissante d’un séjour au milieu des bois, encerclés par des créatures
étranges, c’était le seul moyen de quitter l’auberge, si bien que nous
acceptâmes sans beaucoup d’hésitation. Un répurgateur d’Ubersreik accompagnait
déjà le valet : c’était un homme assez singulier, peu engageant et
marmonnant sans cesse ce qui devait être des prières.
C’est à partir de
ce moment que notre aventure a basculé : de rocambolesque, elle est
devenue beaucoup plus sinistre.
Ainsi, dès notre
arrivée au domaine, nous avons été attaqués par les hommes-bêtes mais ils
étaient accompagnés par un gor énorme, puant et doté de cornes monstrueuses. Je
sais que ces choses sont fréquentes sur les champs de batailles, nous en avons
parlé lors des cours au Collège et vous m’avez également raconté vos combats.
Mais, je ne m’attendais pas à pareille lutte ! Le cocher qui nous accompagnait
y laissa la vie et le répurgateur lui-même fut durement touché. J’en profite
pour vous préciser que je maitrîse de mieux en mieux les sorts d’attaque, même
si j’ai parfois du mal à contenir toute leur puissance.
Nous finîmes par
venir à bout de ces monstres et pûmes rejoindre le domaine. Tout y était dans
un état désastreux : l’enceinte à moitié effondrée, plusieurs bâtiments
semblaient à l’abandon, les gardes et les serviteurs étaient terrifiés,
lorsqu’ils n’étaient pas blessés ou même mourants. Seul le maître, lord Rickard,
semblait garder espoir.
Comme prévu, nous
profitâmes de la première occasion pour visiter le pavillon et ses dépendances.
Nous avons également essayé de discuter avec les gens, mais ils n’étaient guère
bavards. Une atmosphère assez déplaisante régnait sur tout le domaine. Elle
atteint son paroxysme dans une des pièces du pavillon où se trouvait un tableau
avec un décor repoussant fait de dizaines d’yeux, en encadrant un autre,
énorme; cela me mit extrêmement mal à l’aise. Je sentis soudainement des
fourmillements dans mes mains et mes pieds et mes oreilles se mirent à siffler.
Il ne nous fallut
pas longtemps pour comprendre que se tramait là une machination des plus
sombres. Par chance, nous avons découvert un message griffonné sur un papier qui
ne nous était certainement pas destiné et qui nous disait quoi manger au dîner.
Cela nous évita d’être drogués et endormis comme la plupart des autres
personnes présentes au repas. Enfin, pour ceux d’entre nous qui suivirent ce
conseil à la lettre … C’est alors que nous découvrîmes que l’intendant du
domaine, le docteur, la cuisinière et plusieurs serviteurs se livraient à un
culte maudit pendant la nuit. Leurs incantations provoquaient de détestables
déformations sur les adorateurs eux-mêmes et sur leurs cobayes, transformant
leurs membres et même l’ensemble de leur corps. Nous les avons attaqués par
surprise au beau milieu de leur cérémonie et, c’est certainement ce qui nous
apporta un avantage décisif et nous permis
de les vaincre, même si Klueber a bien failli y laisser sa peau. Hélas, le cauchemar
n’était pas fini car, au dehors, une bataille faisait rage entre ceux qui
restaient des gardes, le maître-chien avec ses molosses et de nouveaux des
hommes–chèvres déchaînés.
Je ne sais par quel
miracle nous sommes parvenus à les repousser… Mais les pertes furent lourdes.
Nous avons enterré
les morts, brûlé les cadavres des créatures et soigné comme nous le pouvions
les survivants. Un homme, un garde, manquait à l’appel. Nous l’avons cherché en
vain, lui ou son cadavre. Il ne fut pas
possible de savoir s’il avait été emporté par les bêtes – bien que cette
hypothèse semble peu probable – ou s’il s’agissait d’un cultiste qui s’était
enfui après la mort de ses complices. Nous avons essayé de renforcer ce qui
restait des murs d’enceinte. Les bêtes ne sont pas revenues. Je ne sais pas si
elles étaient liées aux cultistes, mais l’élimination de ces derniers sembla
mettre fin à leurs attaques.
Au bout de quelques
jours, lord Rickard accepta de nous laisser partir et nous fit accompagner
jusqu’à Ubersreik. Sa famille occupe une place importante dans la vie politique
de la ville franche et il nous promit de faire appel à nos services si
l’occasion se présentait. Les magisters du Collège seront certainement
satisfaits d’apprendre que j’ai contribué à sauver la vie du principal
représentant de cette famille, promise à un bel avenir…
À Ubersreik, nous
avons dû chercher du travail afin de gagner de l’argent. J’espérais me
constituer un pécule suffisant pour me remettre en route vers Karaz-Azgaraz.
Hélas, les évènements qui suivirent m’ont encore détournée de cet objectif.
Parmi les offres
d’emploi proposées en ville, l’une consistait à aider un père éploré, un
commerçant du nom de Fletcher, à retrouver sa fille unique, Anna, disparue
depuis plusieurs jours. Nous menâmes l’enquête dans toute la ville,
interrogeant, fouillant, espionnant…
J’ai oublié de vous
préciser qu’il s’agit d’un boucher et que sa spécialité, des saucisses, est
l’un des mets les plus prisés de la ville. En ce qui me concerne, je crois bien
que jamais plus je ne pourrais en avaler... Fletcher leur doit sa fortune et il
possède plusieurs boucheries dans la cité.
Assez vite, nous
repérâmes quelque chose d’anormal dans l’un de ces magasins. Quand je rentrais
dans l’arrière boutique, je décelais un vent de magie tout à fait
répugnant : je dus sortir de là très vite avant de perdre connaissance.
Mes oreilles bourdonnaient comme si un essaim grouillant m’encerclait et ma
peau me démangeait horriblement. Je suppose que vous avez déjà été exposé à ce
genre de chose, mais moi, je n’y suis guère habituée ! Cela ressemblait un peu
à ce que j’avais ressenti dans la bibliothèque de lord Rickard face à cette
immonde toile, mais cette fois, les effets étaient beaucoup plus violents. Cette
épreuve m’a vraiment terrifiée ! Mes compagnons trouvèrent dans l’arrière
boutique un pendentif qui appartenait à Anna. Nous décidâmes de revenir le
soir, car plusieurs effractions avaient été commises la nuit dans ce magasin.
Nous avons attendu
et un être étrange est venu, très grand et d’une agilité extraordinaire. Il
s’est glissé dans l’arrière-boutique, où il a utilisé le hachoir pour …
fabriquer des saucisses. Une fois son étrange besogne accomplie, il est ressorti
et nous l’avons suivi jusque chez l’un des concurrents du boucher, un dénommé
Stark.
Durant toute la
soirée, ma pratique de la magie a été complètement déréglée, je ne sais pas si
cela est lié à la présence de cet horrible vent … J’ai été prise de
nausées, puis je me suis même mise à proférer des incantations dans une langue
bizarre et que je ne connaissais pas. Dès que j’ouvrais la bouche, les mots
auxquels je pensais se transformaient en vociférations effroyables…
Heureusement que mes compagnons m’ont soutenue
et protégée à ce moment-là !
Finalement, nous nous
sommes rendus chez Stark. Là, nous avons compris qu’il avait corrompu Anna
ainsi qu’un jeune homme. Lors de notre enquête, nous avions recherché ce fils
de bonne famille qui avait croisé le chemin d’Anna avant de disparaître sans
laisser de trace. En fait, il s’avéra qu’il était devenu la créature infâme que
nous avions croisée dans l’arrière boutique. Quand nous sommes entrés, il nous
a attaqués et nous n’avons eu d’autre choix que de le tuer. Stark aussi est
mort dans la lutte.
Quant à Anna, elle
a été transformée en une vraie monstruosité. Je n’aurais pas le cœur de vous la
décrire tant son état est atroce. Elle était retenue prisonnière dans la cave
de Stark. C’est là que nous l’avons retrouvée enchaînée, à demi morte et à demi
folle. Nous avons recherché de l’aide auprès des bienveillants prêtres de
Shallya, mais il était trop tard. La seule chose que l’on pouvait encore faire
été d’essayer de soigner ses blessures puis de la cacher pour qu’elle puisse
finir sa pauvre vie le moins inconfortablement possible.
Vous imaginez sans
mal l’horreur, lorsqu’il a fallut annoncer cela au père …
Chez Stark, nous
avons trouvé dans une cage d’abjectes petites créatures verdâtres que le
boucher sacrifiait pour empoisonner les saucisses de son rival. Ceux qui les
mangeaient, comme Anna et l’infortuné jeune homme, subissaient d’horribles
transformations physiques, sans parler de la démence qui s’emparait d’eux. J’ai
bien du mal à comprendre les motivations de Stark, cela m’apparaît comme une
vengeance bien démesurée pour une simple rivalité de commerçant. Comment peut-on
en arriver à faire des choses si horribles ? Oh, je sais que vous allez
encore me dire que je suis bien naïve… Mais comment peut-on s’adonner à cette
magie infecte ? Il faut être fou !
Et ce n’est pas tout,
il semble que Stark avait une complice : une chanteuse qui l’aidait à
attraper ses victimes. Son cadavre a été retrouvé dans un bateau où apparemment
elle se cachait et où elle serait morte de faim. .Je ne sais pas
exactement quel était son rôle et à quel point elle était corrompue dans
cette affaire, mais elle était au moins au courant pour les petites
créatures : nous avons découvert près de son corps un mot où il y était
fait allusion, sans doute possible. Enfin, Stark et elle possédaient tous deux
des pierres mauves, des sortes d’amulettes visiblement enchantées. Grunilda a
montré ces bijoux à un vieux nain qui réside à Ubersreik et selon lui ses
pierres auraient une origine elfique.
Voilà tout ce que
nous avons pu apprendre sur cette sombre histoire. Nous avons détruit toutes
les saucisses suspectes et à priori, tous les responsables de ces abominations
ont été éliminés. Enfin, j’espère que nous n’avons rien raté …
Les prêtres de
Shallya ont accepté de s’occuper d’Anna et de l’emmener dans une léproserie à Hugeldal
où ils pourront prendre soin d’elle. Ils nous ont demandé si nous pouvions les
escorter jusque là-bas et nous avons accepté. Nous devrions partir dans un ou
deux jours, le temps qu’Anna se remette un peu et puisse supporter le voyage.
Ce n’est pas
exactement le chemin que je comptais prendre, mais cela me rapprochera quand
même un peu de la forteresse des nains. Je ne perd pas de vue la mission que
vous m’avez confiée, mais je suis certaine que vous comprendrez que je
choisisses d’abord d’accompagner cette pauvre victime jusqu’à un lieu plus
clément.
Cependant, notre
séjour à Ubersreik nous réservait encore de bien mauvaises surprises.
Lorsque nous
enquêtions sur la disparition d’Anna, à un moment, nous avons été entraînés sur
une mauvaise piste… En fait, peu de temps avant notre arrivée dans la ville, la
rumeur rapporta de soudaines apparitions de spectres, vagabondant à travers les
rues. Grunilda et Lars assistèrent à l’une de ces apparitions et suivirent un
des fantômes, une femme sans tête, jusqu’à une maison bourgeoise où elle sembla
rentrer. Nous avons remonté sa piste jusqu’aux jardins de Morr à l’extérieur de
la ville et nous y avons trouvé des traces suspectes autour de vieilles tombes
qui semblaient avoir été creusées récemment. Quelques recherches au temple de
Verena, où se trouvent les archives de la ville, nous permirent de faire le
lien avec une histoire de sorciers malfaisants, arrêtés, condamnés et mis à
mort, il y a de cela plusieurs siècles. Ce sont visiblement leurs tombes qui
auraient été profanées.
Après avoir
retrouvé Anna, nous reprîmes nos recherches sur ces fantômes. Nous sommes allés
frapper à la maison où avait disparu l’esprit féminin. Le propriétaire, un pistolier
d’Altdorf, nous a reçu et nous a confié à la fois son incompréhension et la position
pour le moins gênante dans laquelle cette histoire le mettait. Il a accepté de
nous faire visiter la maison et ses jardins. Nous avons remarqué des
piétinements suspects près de la cave, là où l’on stockait le charbon. En
fouillant, un peu dans le tas de combustible, nous avons fini par découvrir un
crâne humain. Nous avons alors pensé que cela devait attirer le fantôme et jugé
qu’il était plus prudent de le ramener aux prêtres de Morr qui sauraient
comment apaiser cet esprit.
La plupart des
gens, éprouvent toujours une certaine appréhension envers les prêtres de Morr,
et moi la première, je ne suis jamais vraiment à l’aise en leur présence.
Pourtant je dois bien avouer que ceux que nous avons rencontrés à Ubersreik, se
sont montrés très conciliants et nous n’aurions jamais pu venir à bout de notre
quête sans leur aide. Lorsque nous leur apportâmes le crâne, ils repérèrent
immédiatement que quelque chose clochait : le crâne que nous avions trouvé
était affublé d’une mandibule qui n’était pas la sienne et malgré tous leurs
rites, ils risquaient d’avoir du mal à calmer l’esprit. Il était donc
indispensable de récupérer la bonne mâchoire et l’autre crâne.
À cours de piste,
nous décidâmes d’attendre le second fantôme et d’essayer de le suivre en
espérant qu’il nous mènerait aux autres ossements.
Et c’est ce qui se
produisit. Nous traversâmes toute la ville à la poursuite du revenant. Il nous
conduisit jusqu’à une maison dans un quartier excentré de la ville. Elle était déserte
alors, nous en fîmes le tour et nous découvrîmes un passage menant à la cave.
Nous savions que nous devions résoudre cette affaire le plus rapidement
possible et nous n’avions guère le temps d’attendre le retour du propriétaire.
Lars et Klueber se faufilèrent à l’intérieur. Hélas, à cet instant un attelage
arriva et s’arrêta devant le soupirail par lequel ils venaient d’entrer. Grunilda
et moi eûmes tout juste le temps de nous cacher et nous avons attendu sans
faire de bruit. De là où je me trouvais, je voyais les pieds d’un homme qui
tirait un gros paquet allongé ; il s’approcha de l’ouverture et le fit
basculer à l’intérieur. Puis il remonta dans son chariot et s’en alla, aussi
vite qu’il était venu. De toutes façons, cela n’avait plus d’importance car nous
avions tout de même eu le temps de le
reconnaître : il s’agissait du cocher qui travaillait aux jardins de Morr et
que nous avions déjà croisé là-bas.
Par le soupirail,
je vis alors la figure livide de Klueber qui me fit signe de venir et j’entrais
donc dans le sous-sol, j’enjambais le paquet terreux que le cocher avait amené.
La forme était déjà assez significative mais les tissus qui l’enveloppaient
s’étaient entrouverts et on pouvait apercevoir les chairs violacées d’un
cadavre. Klueber ne me laissa pas le temps de m’appesantir sur cette vision
d’horreur et m’emmena dans une petite pièce adjacente.
Il y avait là une
sorte de laboratoire et je me sentis immédiatement mal à l’aise. De fortes
odeurs de moisissure et de décomposition flottaient dans l’air vicié de ce
sous-sol. Petit à petit, je commençais aussi à ressentir les effets néfastes
d’un vent de magie tout aussi répugnant que celui dont j’avais souffert chez
Stark, mais néanmoins différent ! Cette fois, j’avais un sale goût de terre
dans la bouche et je fus prises de douloureuses crampes au ventre.
Sur un plan de
travail, nous avons trouvé un journal
avec une écriture très serrée, tout juste déchiffrable : l’auteur se
présentait comme un médecin. Il avait pris des notes très détaillées sur des
expériences faites sur des cadavres. En raison, de sa profession, ce fait ne me
troubla pas trop au départ. En revanche,
il était aussi question de conversations plus surprenantes avec un être
mystérieux, nommé Uwe, comme l’un des sorciers dont la tombe avait été
profanée. Un nom étrange, Gorash, revenait aussi sans cesse. Je lus tout cela
en diagonale et j’allais directement aux dernières pages, où le docteur évoquait
son projet de quitter Ubersreik pour rejoindre des membres de sa guilde à Hugeldal.
Décidemment, tout nous mène vers cette cité …
Il y avait encore
une boîte renfermant une grosse pierre d’une couleur vraiment étrange et que je
ne saurais décrire mais il en émanait une espèce d’aura, comme de la lumière.
Sa seule vue fit redoubler mes douleurs au ventre ; je dus m’en éloigner
très vite.
Mais, le pire était
à venir : il y avait des cages couvertes de rideaux lorsque nous
regardâmes à l’intérieur, nous
découvrîmes des cadavres – ce qui expliquait l’odeur. Mais, c’est là,
que l’un d’eux se mit à bouger… Je compris alors à qui nous avions à
faire : un nécromancien ! Je me précipitais alors vers la sortie car
je ne voulais pas rester une minute de plus dans cet antre maudit.
En sortant, nous
décidâmes d’emporter le journal. Klueber voulu aussi prendre la pierre.
J’essayais de l’en dissuader, mais il est un peu cupide… Malgré mes mises en
garde, il essaya de la toucher et cet imbécile n’y gagna qu’une vilaine brûlure
…
J’en viens au
dernier rebondissement de notre enquête à Ubersreik. Nous nous sommes rendus
aux jardins de Morr, afin de rapporter le second crâne aux prêtres et de les
prévenir de la traîtrise de leur serviteur.
Il était assez tard
et il faisait presque nuit quand nous arrivâmes. En longeant le muret qui
entoure le cimetière, nous avons aperçu une silhouette en train de creuser. Le
cocher ! Nous nous sommes avancés discrètement ; Lars et Klueber ont cherché
à le contourner pour le prendre à revers et l’empêcher de s’enfuir. Comme ils
se rapprochaient du cocher, tout à son affaire et qui n’avait rien entendu,
Grunilda et moi avons aperçu un autre homme, caché derrière un monument qui
observait toute la scène. Tout à coup, il sortit une arbalète et il commença à
viser Lars. Ne sachant comment intervenir, je ramassais une pierre par terre et
la jetais au loin pour faire diversion. Cela a distrait le tireur, mais le
cocher aussi a été alerté et a sauté sur son chariot. Nous l’avons arrêté in
extremis, mais il n’y a pas survécu.
Alors, nous nous
sommes retrouvés nez à nez avec l’homme à l’arbalète et, d’un commun accord,
nous avons baissé nos armes et choisit de discuter. Il s’agit d’un Strigien, il
s’appelle Léo et appartient à l’Ordre du Suaire.
Je sais bien que
vous connaissez ces moines-guerriers ainsi que leur sacerdoce et j’imagine
d’ici votre inquiétude lorsque vous lirez ces mots car vous comprendrez,
qu’après les cultistes immondes, les sorciers maléfiques et les nécromanciens,
nous risquons maintenant d’être mêlés à des affaires concernant des êtres
encore plus redoutables. Et, moi aussi, cela me terrifie !
En dépit d’une méfiance
réciproque, il nous est apparu que nous devions échanger nos informations avec
cet homme. Nous lui avons donc raconté comment nos investigations nous avaient menées
dans ce cimetière et ce que nous savions de celui qui achetait des cadavres au
cocher. De son côté, il nous a révélé qu’il poursuivait une strige du nom de
Gorash, un être malfaisant et extrêmement dangereux qui menait une lutte
acharnée contre l’un de ses rivaux Sire Bandick. Leur duel funeste pourrait
très bien avoir des répercussions sur l’ensemble de la région et les dégâts
collatéraux risquaient d’être désastreux. Et c’était donc l’un de ces monstres
que le nécromancien cherchait à approcher…
Lorsque nous lui
avons appris que le docteur était parti pour Hugeldal, il nous dit qu’il devait
s’y rendre aussi et qu’il y rejoindrait un campement de Strigiens installés à
proximité de la ville. Comme nous devions y aller également pour accompagner
Anna et les prêtres de Shallya, nous avons convenu de faire la route ensembles.
Depuis, j’ai consacré
un peu de temps à la lecture du journal du nécromancien. Je ne suis pas très à
l’aise avec cet objet : c’est vraiment l’œuvre d’un dément ! Il s’en
exhale une odeur putride et dès que je le touche, j’ai un mauvais goût dans la
bouche. Mais il faut bien chercher des indices sur ce que manigance ce docteur.
Comme pour Stark, j’ai du mal à saisir ses motivations. Je commence aussi à
nourrir quelques suspicions envers les médecins. Après celui que nous avions
rencontré chez lord Rickard Aschaffenberg et qui était membre d’un culte du
chaos, voilà que nous tombons sur un nécromancien…
Je ne me suis pas
attardée sur ses expériences nauséabondes sur des morts, mais je me suis plus
intéressée à sa relation avec Uwe et au delà avec Gorash qu’il souhaitait donc
ardemment rencontrer. En ce qui concerne le premier, je crois me souvenir
d’avoir appris que l’esprit d’un sorcier qui au cours de sa vie s’était adonné
à la magie noire peut conserver une partie de sa conscience et qu’ils sont de
fait plus dangereux que d’autres. De plus, il me semble aussi qu’ils sont
souvent au service de vampires. La question que je me pose et à laquelle le
journal ne m’apporte guère de réponse, c’est de savoir qui, du docteur ou de l’esprit,
manipule l’autre… Peut-être trouverons-nous la solution à Hugeldal. Dans tous
les cas, toutes les tentatives du nécromancien pour entrer en contact avec
Gorash semblent avoir échoué. Je pense qu’il s’agit plutôt d’une bonne
nouvelle…
J’en profite pour
faire encore un aparté. Je ne sais pas si cela à un rapport, mais c’est à
Hugeldal qu’est apparue une épidémie qui a ravagé la région, il y a plusieurs
mois. On l’a appelé la « peste des goules ». Je n’en avais pas
entendu parlé à Altdorf, mais il semble qu’ici elle ait fait beaucoup de
victimes. Je ne saurais trop dire pourquoi, mais cette épidémie présente bien
des aspects mystérieux et peut-être même surnaturels.
Comme je vous l’ai
dit plus haut, je suis convaincue qu’il est de mon devoir de mettre Anna en
sécurité. Si, par la même occasion, je peux contribuer à arrêter un
nécromancien et à déjouer les sombres desseins de vampires, je suis certaine
que vous serez d’accord avec moi pour m’y encourager.
Je sais que tout
cela est très risqué et que ces forces me dépassent.
Ô, comme j’aimerais
que vous soyez à mes côtés en ces circonstances ! Mais, même si j’ai peur,
je sais que je ne suis pas seule et que
je peux faire confiance à mes compagnons… Et les pyromanciens ne sont pas des
lâches ! Si je renonçais, comment pourrais-je ensuite me présenter au
Collège et vous regarder en face !
Je ne suis pas
certaine que vous pourrez lire cette lettre, on ne sait jamais ce qui peut
advenir des courriers… Je ne sais pas non plus si vous pourrez me venir en aide,
mais il se trame vraisemblablement des choses sinistres à Hugeldal. Peut-être
aurais-je au moins réussi à vous alerter, ainsi que nos supérieurs et vous
pourrez en informer les autorités compétentes.
Soyez bien assuré,
mon cher maître, de ma fidélité envers vous et de ma loyauté envers notre
ordre.
Puisse Sigmar nous
garder du mal.
Votre dévouée
apprentie
Hannah van Baumer