dimanche 29 mars 2015

Une lettre de l'apprentie Hannah à son Magister


À Maître Werner Beike
Collège Flamboyant
Altdorf
Ubersreik, le Festag 16 Jahrdrung 2521
Mon bien cher maître,

J’espère que cette lettre vous trouvera en bonne santé et dans de bonnes dispositions car ce que je m’apprête à vous narrer est loin d’être un récit très réjouissant …
La mission que vous m’avez confiée et le voyage qui y est lié s’annonçaient longs et parsemés d’embûches. Autant avouer d’emblée que, même dans mes prévisions les plus pessimistes, j’étais encore loin d’imaginer ce qui m’attendais.
Mais, tout d’abord, rassurez-vous, je vais aussi bien que possible. Physiquement, je ne suis pas blessée, simplement fatiguée, mais ce n’est pas très méchant. En revanche, ce que j’ai traversé jusqu’ici m’a profondément bouleversée…

Pour commencer, je n’étais partie que depuis quelques jours, quand je me fis enlevée et emmenée de force vers une destination inconnue. Je ne dus mon salut qu’à une attaque de peaux vertes et à l’aide de trois compagnons d’infortune. Nous sommes parvenus à nous libérer et avons pu venir à bout de nos assaillants. Hélas, le cocher de la diligence était mort et nous étions perdus au milieu de la forêt, à des jours de marche de tout village. En continuant sur la route, nous avons néanmoins trouvé une auberge où passer la nuit, mais nous n’avions aucun moyen de repartir.

Laissez-moi vous parler un peu des personnes que cette mésaventure m’a permis de rencontrer. Il y a tout d’abord une naine – je sais combien vous avez en haute estime les représentants de cette race et je suis certaine que vous apprécieriez beaucoup celle-là. Vous auriez pu la croiser autrefois sur quelques champs de bataille avec son armure rutilante et sa hache aiguisée; une vraie guerrière, toujours prête à se jeter dans la mêlée ! En sa compagnie, je pense que je vais finir par partager votre opinion sur ces gens : jamais d’arrière pensée, on sait où on va … Les deux autres m’ont inspiré moins de confiance, au début, car ils parlaient peu et semblaient aussi plus méfiants à mon égard. Mais, nous autres sorciers, avons l’habitude de ce genre d’attitude, n’est-ce pas ? Toutefois, au fil des jours et des évènements, ils se sont montrés fiables en toutes circonstances et se sont finalement des compagnons bien agréables. Le premier, Lars Goetze, est un patrouilleur rural avec un caractère bien trempé et toujours prêt à aider son prochain. Le second est un garde plus taciturne du nom de Klueber : il rechigne souvent à s’engager mais, en fin de compte, il répond toujours présent.

Notre première nuit dans cette auberge isolée fut tout à fait incroyable. Il y avait là une gavin et sa toute suite. Pendant la nuit, l’un de ses serviteurs, un champion de justice, fut assassiné. Je me retrouvais, bien malgré moi, impliquée dans cette affaire : avec mes trois compagnons, nous avons été contraints par la gavin à l’aider et à piéger le meurtrier. Ce que nous avons réussi à faire, par bonheur.
Je vous passe les autres détails de cette soirée mémorable, mais je vous promets de tout vous raconter à mon retour : des amants fuyant un fiancé jaloux qui finit par débarquer, des prêtres de Morr promenant un cadavre et plusieurs autres personnes assez bizarres … Je suis sûre que vous apprécierez beaucoup cette histoire !

Cependant, nous étions encore bel et bien coincés à l’auberge. Au petit matin, une solution inattendue s’offrit à nous. La veille nous avions bavardé avec un homme, nommé Vern Hendricks, qui occupe la fonction de valet auprès de lord Rickard Aschaffenberg, un noble d’Ubersreik. Ce dernier vient de se marier et de recevoir en dot un pavillon de chasse perdu au milieu de la forêt. Ce domaine n’est pas très sûr : peu après leur arrivée, Vern et son maître ont dû faire face à des attaques inexpliquées créatures sauvages, mi-hommes, mi-chèvres. Dans ces circonstances, lord Rickard a besoin de s’assurer de la loyauté de ses nouveaux serviteurs, or, Vern nous expliqua que le personnel du domaine ne leur avait pas fait une très bonne impression. Notre mission consistait donc à accompagner le valet incognito pour enquêter sur les domestiques, en se faisant passer pour des manœuvres venus aider au déménagement.
Nonobstant la perspective peu réjouissante d’un séjour au milieu des bois, encerclés par des créatures étranges, c’était le seul moyen de quitter l’auberge, si bien que nous acceptâmes sans beaucoup d’hésitation. Un répurgateur d’Ubersreik accompagnait déjà le valet : c’était un homme assez singulier, peu engageant et marmonnant sans cesse ce qui devait être des prières.

C’est à partir de ce moment que notre aventure a basculé : de rocambolesque, elle est devenue beaucoup plus sinistre.

Ainsi, dès notre arrivée au domaine, nous avons été attaqués par les hommes-bêtes mais ils étaient accompagnés par un gor énorme, puant et doté de cornes monstrueuses. Je sais que ces choses sont fréquentes sur les champs de batailles, nous en avons parlé lors des cours au Collège et vous m’avez également raconté vos combats. Mais, je ne m’attendais pas à pareille lutte ! Le cocher qui nous accompagnait y laissa la vie et le répurgateur lui-même fut durement touché. J’en profite pour vous préciser que je maitrîse de mieux en mieux les sorts d’attaque, même si j’ai parfois du mal à contenir toute leur puissance.
Nous finîmes par venir à bout de ces monstres et pûmes rejoindre le domaine. Tout y était dans un état désastreux : l’enceinte à moitié effondrée, plusieurs bâtiments semblaient à l’abandon, les gardes et les serviteurs étaient terrifiés, lorsqu’ils n’étaient pas blessés ou même mourants. Seul le maître, lord Rickard, semblait garder espoir.
Comme prévu, nous profitâmes de la première occasion pour visiter le pavillon et ses dépendances. Nous avons également essayé de discuter avec les gens, mais ils n’étaient guère bavards. Une atmosphère assez déplaisante régnait sur tout le domaine. Elle atteint son paroxysme dans une des pièces du pavillon où se trouvait un tableau avec un décor repoussant fait de dizaines d’yeux, en encadrant un autre, énorme; cela me mit extrêmement mal à l’aise. Je sentis soudainement des fourmillements dans mes mains et mes pieds et mes oreilles se mirent à siffler.
Il ne nous fallut pas longtemps pour comprendre que se tramait là une machination des plus sombres. Par chance, nous avons découvert un message griffonné sur un papier qui ne nous était certainement pas destiné et qui nous disait quoi manger au dîner. Cela nous évita d’être drogués et endormis comme la plupart des autres personnes présentes au repas. Enfin, pour ceux d’entre nous qui suivirent ce conseil à la lettre … C’est alors que nous découvrîmes que l’intendant du domaine, le docteur, la cuisinière et plusieurs serviteurs se livraient à un culte maudit pendant la nuit. Leurs incantations provoquaient de détestables déformations sur les adorateurs eux-mêmes et sur leurs cobayes, transformant leurs membres et même l’ensemble de leur corps. Nous les avons attaqués par surprise au beau milieu de leur cérémonie et, c’est certainement ce qui nous apporta un avantage décisif et nous  permis de les vaincre, même si Klueber a bien failli y laisser sa peau. Hélas, le cauchemar n’était pas fini car, au dehors, une bataille faisait rage entre ceux qui restaient des gardes, le maître-chien avec ses molosses et de nouveaux des hommes–chèvres déchaînés.
Je ne sais par quel miracle nous sommes parvenus à les repousser… Mais les pertes furent lourdes.
Nous avons enterré les morts, brûlé les cadavres des créatures et soigné comme nous le pouvions les survivants. Un homme, un garde, manquait à l’appel. Nous l’avons cherché en vain, lui ou son cadavre.  Il ne fut pas possible de savoir s’il avait été emporté par les bêtes – bien que cette hypothèse semble peu probable – ou s’il s’agissait d’un cultiste qui s’était enfui après la mort de ses complices. Nous avons essayé de renforcer ce qui restait des murs d’enceinte. Les bêtes ne sont pas revenues. Je ne sais pas si elles étaient liées aux cultistes, mais l’élimination de ces derniers sembla mettre fin à leurs attaques.
Au bout de quelques jours, lord Rickard accepta de nous laisser partir et nous fit accompagner jusqu’à Ubersreik. Sa famille occupe une place importante dans la vie politique de la ville franche et il nous promit de faire appel à nos services si l’occasion se présentait. Les magisters du Collège seront certainement satisfaits d’apprendre que j’ai contribué à sauver la vie du principal représentant de cette famille, promise à un bel avenir…

À Ubersreik, nous avons dû chercher du travail afin de gagner de l’argent. J’espérais me constituer un pécule suffisant pour me remettre en route vers Karaz-Azgaraz. Hélas, les évènements qui suivirent m’ont encore détournée de cet objectif.
Parmi les offres d’emploi proposées en ville, l’une consistait à aider un père éploré, un commerçant du nom de Fletcher, à retrouver sa fille unique, Anna, disparue depuis plusieurs jours. Nous menâmes l’enquête dans toute la ville, interrogeant, fouillant, espionnant…
J’ai oublié de vous préciser qu’il s’agit d’un boucher et que sa spécialité, des saucisses, est l’un des mets les plus prisés de la ville. En ce qui me concerne, je crois bien que jamais plus je ne pourrais en avaler... Fletcher leur doit sa fortune et il possède plusieurs boucheries dans la cité.
Assez vite, nous repérâmes quelque chose d’anormal dans l’un de ces magasins. Quand je rentrais dans l’arrière boutique, je décelais un vent de magie tout à fait répugnant : je dus sortir de là très vite avant de perdre connaissance. Mes oreilles bourdonnaient comme si un essaim grouillant m’encerclait et ma peau me démangeait horriblement. Je suppose que vous avez déjà été exposé à ce genre de chose, mais moi, je n’y suis guère habituée ! Cela ressemblait un peu à ce que j’avais ressenti dans la bibliothèque de lord Rickard face à cette immonde toile, mais cette fois, les effets étaient beaucoup plus violents. Cette épreuve m’a vraiment terrifiée ! Mes compagnons trouvèrent dans l’arrière boutique un pendentif qui appartenait à Anna. Nous décidâmes de revenir le soir, car plusieurs effractions avaient été commises la nuit dans ce magasin.
Nous avons attendu et un être étrange est venu, très grand et d’une agilité extraordinaire. Il s’est glissé dans l’arrière-boutique, où il a utilisé le hachoir pour … fabriquer des saucisses. Une fois son étrange besogne accomplie, il est ressorti et nous l’avons suivi jusque chez l’un des concurrents du boucher, un dénommé Stark.
Durant toute la soirée, ma pratique de la magie a été complètement déréglée, je ne sais pas si cela est lié à la présence de cet horrible vent … J’ai été prise de nausées, puis je me suis même mise à proférer des incantations dans une langue bizarre et que je ne connaissais pas. Dès que j’ouvrais la bouche, les mots auxquels je pensais se transformaient en vociférations effroyables… Heureusement que mes compagnons m’ont soutenue  et protégée à ce moment-là !

Finalement, nous nous sommes rendus chez Stark. Là, nous avons compris qu’il avait corrompu Anna ainsi qu’un jeune homme. Lors de notre enquête, nous avions recherché ce fils de bonne famille qui avait croisé le chemin d’Anna avant de disparaître sans laisser de trace. En fait, il s’avéra qu’il était devenu la créature infâme que nous avions croisée dans l’arrière boutique. Quand nous sommes entrés, il nous a attaqués et nous n’avons eu d’autre choix que de le tuer. Stark aussi est mort dans la lutte.
Quant à Anna, elle a été transformée en une vraie monstruosité. Je n’aurais pas le cœur de vous la décrire tant son état est atroce. Elle était retenue prisonnière dans la cave de Stark. C’est là que nous l’avons retrouvée enchaînée, à demi morte et à demi folle. Nous avons recherché de l’aide auprès des bienveillants prêtres de Shallya, mais il était trop tard. La seule chose que l’on pouvait encore faire été d’essayer de soigner ses blessures puis de la cacher pour qu’elle puisse finir sa pauvre vie le moins inconfortablement possible.
Vous imaginez sans mal l’horreur, lorsqu’il a fallut annoncer cela au père …

Chez Stark, nous avons trouvé dans une cage d’abjectes petites créatures verdâtres que le boucher sacrifiait pour empoisonner les saucisses de son rival. Ceux qui les mangeaient, comme Anna et l’infortuné jeune homme, subissaient d’horribles transformations physiques, sans parler de la démence qui s’emparait d’eux. J’ai bien du mal à comprendre les motivations de Stark, cela m’apparaît comme une vengeance bien démesurée pour une simple rivalité de commerçant. Comment peut-on en arriver à faire des choses si horribles ? Oh, je sais que vous allez encore me dire que je suis bien naïve… Mais comment peut-on s’adonner à cette magie infecte ? Il faut être fou !
Et ce n’est pas tout, il semble que Stark avait une complice : une chanteuse qui l’aidait à attraper ses victimes. Son cadavre a été retrouvé dans un bateau où apparemment elle se cachait et où elle serait morte de faim. .Je ne sais  pas  exactement quel était son rôle et à quel point elle était corrompue dans cette affaire, mais elle était au moins au courant pour les petites créatures : nous avons découvert près de son corps un mot où il y était fait allusion, sans doute possible. Enfin, Stark et elle possédaient tous deux des pierres mauves, des sortes d’amulettes visiblement enchantées. Grunilda a montré ces bijoux à un vieux nain qui réside à Ubersreik et selon lui ses pierres auraient une origine elfique.
Voilà tout ce que nous avons pu apprendre sur cette sombre histoire. Nous avons détruit toutes les saucisses suspectes et à priori, tous les responsables de ces abominations ont été éliminés. Enfin, j’espère que nous n’avons rien raté …

Les prêtres de Shallya ont accepté de s’occuper d’Anna et de l’emmener dans une léproserie à Hugeldal où ils pourront prendre soin d’elle. Ils nous ont demandé si nous pouvions les escorter jusque là-bas et nous avons accepté. Nous devrions partir dans un ou deux jours, le temps qu’Anna se remette un peu et puisse supporter le voyage.
Ce n’est pas exactement le chemin que je comptais prendre, mais cela me rapprochera quand même un peu de la forteresse des nains. Je ne perd pas de vue la mission que vous m’avez confiée, mais je suis certaine que vous comprendrez que je choisisses d’abord d’accompagner cette pauvre victime jusqu’à un lieu plus clément.  

Cependant, notre séjour à Ubersreik nous réservait encore de bien mauvaises surprises. 
Lorsque nous enquêtions sur la disparition d’Anna, à un moment, nous avons été entraînés sur une mauvaise piste… En fait, peu de temps avant notre arrivée dans la ville, la rumeur rapporta de soudaines apparitions de spectres, vagabondant à travers les rues. Grunilda et Lars assistèrent à l’une de ces apparitions et suivirent un des fantômes, une femme sans tête, jusqu’à une maison bourgeoise où elle sembla rentrer. Nous avons remonté sa piste jusqu’aux jardins de Morr à l’extérieur de la ville et nous y avons trouvé des traces suspectes autour de vieilles tombes qui semblaient avoir été creusées récemment. Quelques recherches au temple de Verena, où se trouvent les archives de la ville, nous permirent de faire le lien avec une histoire de sorciers malfaisants, arrêtés, condamnés et mis à mort, il y a de cela plusieurs siècles. Ce sont visiblement leurs tombes qui auraient été profanées.
Après avoir retrouvé Anna, nous reprîmes nos recherches sur ces fantômes. Nous sommes allés frapper à la maison où avait disparu l’esprit féminin. Le propriétaire, un pistolier d’Altdorf, nous a reçu et nous a confié à la fois son incompréhension et la position pour le moins gênante dans laquelle cette histoire le mettait. Il a accepté de nous faire visiter la maison et ses jardins. Nous avons remarqué des piétinements suspects près de la cave, là où l’on stockait le charbon. En fouillant, un peu dans le tas de combustible, nous avons fini par découvrir un crâne humain. Nous avons alors pensé que cela devait attirer le fantôme et jugé qu’il était plus prudent de le ramener aux prêtres de Morr qui sauraient comment apaiser cet esprit.
La plupart des gens, éprouvent toujours une certaine appréhension envers les prêtres de Morr, et moi la première, je ne suis jamais vraiment à l’aise en leur présence. Pourtant je dois bien avouer que ceux que nous avons rencontrés à Ubersreik, se sont montrés très conciliants et nous n’aurions jamais pu venir à bout de notre quête sans leur aide. Lorsque nous leur apportâmes le crâne, ils repérèrent immédiatement que quelque chose clochait : le crâne que nous avions trouvé était affublé d’une mandibule qui n’était pas la sienne et malgré tous leurs rites, ils risquaient d’avoir du mal à calmer l’esprit. Il était donc indispensable de récupérer la bonne mâchoire et l’autre crâne.

À cours de piste, nous décidâmes d’attendre le second fantôme et d’essayer de le suivre en espérant qu’il nous mènerait aux autres ossements.
Et c’est ce qui se produisit. Nous traversâmes toute la ville à la poursuite du revenant. Il nous conduisit jusqu’à une maison dans un quartier excentré de la ville. Elle était déserte alors, nous en fîmes le tour et nous découvrîmes un passage menant à la cave. Nous savions que nous devions résoudre cette affaire le plus rapidement possible et nous n’avions guère le temps d’attendre le retour du propriétaire. Lars et Klueber se faufilèrent à l’intérieur. Hélas, à cet instant un attelage arriva et s’arrêta devant le soupirail par lequel ils venaient d’entrer. Grunilda et moi eûmes tout juste le temps de nous cacher et nous avons attendu sans faire de bruit. De là où je me trouvais, je voyais les pieds d’un homme qui tirait un gros paquet allongé ; il s’approcha de l’ouverture et le fit basculer à l’intérieur. Puis il remonta dans son chariot et s’en alla, aussi vite qu’il était venu. De toutes façons, cela n’avait plus d’importance car nous avions tout de même eu le temps de  le reconnaître : il s’agissait du cocher qui travaillait aux jardins de Morr et que nous avions déjà croisé là-bas.
Par le soupirail, je vis alors la figure livide de Klueber qui me fit signe de venir et j’entrais donc dans le sous-sol, j’enjambais le paquet terreux que le cocher avait amené. La forme était déjà assez significative mais les tissus qui l’enveloppaient s’étaient entrouverts et on pouvait apercevoir les chairs violacées d’un cadavre. Klueber ne me laissa pas le temps de m’appesantir sur cette vision d’horreur et m’emmena dans une petite pièce adjacente.
Il y avait là une sorte de laboratoire et je me sentis immédiatement mal à l’aise. De fortes odeurs de moisissure et de décomposition flottaient dans l’air vicié de ce sous-sol. Petit à petit, je commençais aussi à ressentir les effets néfastes d’un vent de magie tout aussi répugnant que celui dont j’avais souffert chez Stark, mais néanmoins différent ! Cette fois, j’avais un sale goût de terre dans la bouche et je fus prises de douloureuses crampes au ventre.
Sur un plan de travail, nous avons trouvé  un journal avec une écriture très serrée, tout juste déchiffrable : l’auteur se présentait comme un médecin. Il avait pris des notes très détaillées sur des expériences faites sur des cadavres. En raison, de sa profession, ce fait ne me troubla pas trop au départ.  En revanche, il était aussi question de conversations plus surprenantes avec un être mystérieux, nommé Uwe, comme l’un des sorciers dont la tombe avait été profanée. Un nom étrange, Gorash, revenait aussi sans cesse. Je lus tout cela en diagonale et j’allais directement aux dernières pages, où le docteur évoquait son projet de quitter Ubersreik pour rejoindre des membres de sa guilde à Hugeldal. Décidemment, tout nous mène vers cette cité …
Il y avait encore une boîte renfermant une grosse pierre d’une couleur vraiment étrange et que je ne saurais décrire mais il en émanait une espèce d’aura, comme de la lumière. Sa seule vue fit redoubler mes douleurs au ventre ; je dus m’en éloigner très vite.

Mais, le pire était à venir : il y avait des cages couvertes de rideaux lorsque nous regardâmes à l’intérieur, nous  découvrîmes des cadavres – ce qui expliquait l’odeur. Mais, c’est là, que l’un d’eux se mit à bouger… Je compris alors à qui nous avions à faire : un nécromancien ! Je me précipitais alors vers la sortie car je ne voulais pas rester une minute de plus dans cet antre maudit.
En sortant, nous décidâmes d’emporter le journal. Klueber voulu aussi prendre la pierre. J’essayais de l’en dissuader, mais il est un peu cupide… Malgré mes mises en garde, il essaya de la toucher et cet imbécile n’y gagna qu’une vilaine brûlure …

J’en viens au dernier rebondissement de notre enquête à Ubersreik. Nous nous sommes rendus aux jardins de Morr, afin de rapporter le second crâne aux prêtres et de les prévenir de la traîtrise de leur serviteur.
Il était assez tard et il faisait presque nuit quand nous arrivâmes. En longeant le muret qui entoure le cimetière, nous avons aperçu une silhouette en train de creuser. Le cocher ! Nous nous sommes avancés discrètement ; Lars et Klueber ont cherché à le contourner pour le prendre à revers et l’empêcher de s’enfuir. Comme ils se rapprochaient du cocher, tout à son affaire et qui n’avait rien entendu, Grunilda et moi avons aperçu un autre homme, caché derrière un monument qui observait toute la scène. Tout à coup, il sortit une arbalète et il commença à viser Lars. Ne sachant comment intervenir, je ramassais une pierre par terre et la jetais au loin pour faire diversion. Cela a distrait le tireur, mais le cocher aussi a été alerté et a sauté sur son chariot. Nous l’avons arrêté in extremis, mais il n’y a pas survécu.

Alors, nous nous sommes retrouvés nez à nez avec l’homme à l’arbalète et, d’un commun accord, nous avons baissé nos armes et choisit de discuter. Il s’agit d’un Strigien, il s’appelle Léo et appartient à l’Ordre du Suaire.
Je sais bien que vous connaissez ces moines-guerriers ainsi que leur sacerdoce et j’imagine d’ici votre inquiétude lorsque vous lirez ces mots car vous comprendrez, qu’après les cultistes immondes, les sorciers maléfiques et les nécromanciens, nous risquons maintenant d’être mêlés à des affaires concernant des êtres encore plus redoutables. Et, moi aussi, cela me terrifie !
En dépit d’une méfiance réciproque, il nous est apparu que nous devions échanger nos informations avec cet homme. Nous lui avons donc raconté comment nos investigations nous avaient menées dans ce cimetière et ce que nous savions de celui qui achetait des cadavres au cocher. De son côté, il nous a révélé qu’il poursuivait une strige du nom de Gorash, un être malfaisant et extrêmement dangereux qui menait une lutte acharnée contre l’un de ses rivaux Sire Bandick. Leur duel funeste pourrait très bien avoir des répercussions sur l’ensemble de la région et les dégâts collatéraux risquaient d’être désastreux. Et c’était donc l’un de ces monstres que le nécromancien cherchait à approcher…
Lorsque nous lui avons appris que le docteur était parti pour Hugeldal, il nous dit qu’il devait s’y rendre aussi et qu’il y rejoindrait un campement de Strigiens installés à proximité de la ville. Comme nous devions y aller également pour accompagner Anna et les prêtres de Shallya, nous avons convenu de faire la route ensembles.

Depuis, j’ai consacré un peu de temps à la lecture du journal du nécromancien. Je ne suis pas très à l’aise avec cet objet : c’est vraiment l’œuvre d’un dément ! Il s’en exhale une odeur putride et dès que je le touche, j’ai un mauvais goût dans la bouche. Mais il faut bien chercher des indices sur ce que manigance ce docteur. Comme pour Stark, j’ai du mal à saisir ses motivations. Je commence aussi à nourrir quelques suspicions envers les médecins. Après celui que nous avions rencontré chez lord Rickard Aschaffenberg et qui était membre d’un culte du chaos, voilà que nous tombons sur un nécromancien…
Je ne me suis pas attardée sur ses expériences nauséabondes sur des morts, mais je me suis plus intéressée à sa relation avec Uwe et au delà avec Gorash qu’il souhaitait donc ardemment rencontrer. En ce qui concerne le premier, je crois me souvenir d’avoir appris que l’esprit d’un sorcier qui au cours de sa vie s’était adonné à la magie noire peut conserver une partie de sa conscience et qu’ils sont de fait plus dangereux que d’autres. De plus, il me semble aussi qu’ils sont souvent au service de vampires. La question que je me pose et à laquelle le journal ne m’apporte guère de réponse, c’est de savoir qui, du docteur ou de l’esprit, manipule l’autre… Peut-être trouverons-nous la solution à Hugeldal. Dans tous les cas, toutes les tentatives du nécromancien pour entrer en contact avec Gorash semblent avoir échoué. Je pense qu’il s’agit plutôt d’une bonne nouvelle…

J’en profite pour faire encore un aparté. Je ne sais pas si cela à un rapport, mais c’est à Hugeldal qu’est apparue une épidémie qui a ravagé la région, il y a plusieurs mois. On l’a appelé la « peste des goules ». Je n’en avais pas entendu parlé à Altdorf, mais il semble qu’ici elle ait fait beaucoup de victimes. Je ne saurais trop dire pourquoi, mais cette épidémie présente bien des aspects mystérieux et peut-être même surnaturels.

Comme je vous l’ai dit plus haut, je suis convaincue qu’il est de mon devoir de mettre Anna en sécurité. Si, par la même occasion, je peux contribuer à arrêter un nécromancien et à déjouer les sombres desseins de vampires, je suis certaine que vous serez d’accord avec moi pour m’y encourager.
Je sais que tout cela est très risqué et que ces forces me dépassent.
Ô, comme j’aimerais que vous soyez à mes côtés en ces circonstances ! Mais, même si j’ai peur, je sais que je ne suis pas seule  et que je peux faire confiance à mes compagnons… Et les pyromanciens ne sont pas des lâches ! Si je renonçais, comment pourrais-je ensuite me présenter au Collège et vous regarder en face !
Je ne suis pas certaine que vous pourrez lire cette lettre, on ne sait jamais ce qui peut advenir des courriers… Je ne sais pas non plus si vous pourrez me venir en aide, mais il se trame vraisemblablement des choses sinistres à Hugeldal. Peut-être aurais-je au moins réussi à vous alerter, ainsi que nos supérieurs et vous pourrez en informer les autorités compétentes.

Soyez bien assuré, mon cher maître, de ma fidélité envers vous et de ma loyauté envers notre ordre.

Puisse Sigmar nous garder du mal.

Votre dévouée apprentie
Hannah van Baumer

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