Après la journée horrible que nous
venions de passer, mes nouveaux compagnons et moi, trimbalés sur le toit d’une
diligence, attaqués par des gobelins, le tout, sous la pluie, je pensais que
nous pouvions difficilement tomber plus bas. J’étais trempée, frigorifié,
couverte de sang vert et épuisée par le combat et la nuit de beuverie que j’avais
traversée. J’avais l’impression qu’un tambour cognait dans ma tête. Sans
compter que d’après ce que nous avait expliqué le patrouilleur nous nous
trouvions à l’opposé de la direction que j’étais censée prendre. Je sentais une
certaine morosité monter en moi.
Quand nous aperçûmes les bâtiments
éclairés et plein de vie sur le bord de cette route de malheur, je me sentis un
peu mieux. Cette auberge m’apparut telle un havre miraculeux.
Tout à plutôt bien commencé :
malgré la présence d’une forte troupe – il y avait près d’une trentaine de gardes et de
serviteurs –, nous avons réussi à
trouver de la place. J’ai pris une chambre avec la naine, Grunilda, qui est
fort sympathique et, pour me réchauffer et ôter le sang de ces sales peaux
vertes, je me suis fait préparer un bain, bien chaud, comme je les aime. Après
avoir essayé de nettoyer autant de taches que possible sur les vêtements, je
les ai étendus sur une chaise près de la cheminée où quelques braises étaient
en train de mourir. Heureusement que j’ai des affaires de rechange et qu’elles étaient
restées au sec… J’ai essayé de raviver un peu le feu, mais en l’absence
de combustible, cela n’a pas duré très longtemps. J’ai réclamé du bois à un des
serviteurs qui m’avait monté mon bain et n’ai réussi qu’à obtenir deux fines bûches,
juste de quoi tenir une petite heure … Pour en avoir plus, le supplément était
exorbitant. En raison du grand nombre de clients dans l’auberge ce soir, je
compris rapidement que le tenancier n’aurait aucune envie de faire des efforts,
il allait visiblement gagner beaucoup d’argent … inutile d’insister.
Je descendis dans la salle à
manger, laissant la naine astiquer son armure, avec autant de minutie et de
soin que si sa vie en dépendait.
J’ai été voir l’aubergiste pour me
renseigner sur les moyens de rejoindre une ville –Ubersreik ou, au moins,
Stromdorf - d’où je pourrais me remettre
en route pour Karaz-Azgaraz. Comme je m’en doutais un peu, j’eus la
confirmation que cela risquait d’être compliqué. La diligence, il ne fallait
pas y compter : la compagnie allait certainement envoyer des cochers quand
le patrouilleur rural l’aurait prévenue, mais cela risquait de prendre des
jours avant que nous puissions repartir. Il n’y a de surcroît pas d’autre
passage de diligence prévu. La solution pourrait s’offrir à nous de quitter cet
endroit par la rivière car des bateaux s’arrêtent parfois au ponton en face.
Mais là encore, rien de régulier.
Dépitée, je me commandais une bière.
Mon maître ne m’avait pas donné de délais précis pour aller lui chercher son
brasero chez les nains, mais il est évident que si mon voyage s’éternisait, je
risquais d’avoir du mal à le justifier, d’autant que ce malencontreux détour était
le résultat d’une soirée où je m’étais conduite de manière pour le moins …
imprudente.
Je me dirigeais vers la cheminée,
où je retrouvais l’un de mes compagnons, le patrouilleur Lars Goetze.
Il y avait dans la salle beaucoup
d’animation. La troupe que nous avions vue à notre arrivée était en fait la
suite d’une gavin de la famille de la comtesse de Nuln, Emmanuelle von Liebwitz. Beaucoup de ses serviteurs trainaient dans la
salle et entouraient un homme très grand, tout en muscles et qui parlait très
fort. Ils faisaient des paris et des bras de fer, tout en buvant beaucoup. Cet
homme s’appelait Bruno, je le compris très vite car ses supporters scandaient
son prénom pour l’encourager face à ses adversaires. D’ailleurs, cela semblait
plutôt lui réussir car il enchaînait les victoires et, à une couronne la
partie, commençait à accumuler un joli petit pactole… J’avais encore un peu mal à la tête
et tout ce bruit était assez difficile à supporter. À un moment, j’ai essayé de
discuter avec l’un des serviteurs pour savoir où ils se rendaient et s’il était
envisageable de faire route avec eux, éventuellement moyennant un petit
paiement. Il doucha assez rapidement mes espoirs : le groupe se dirigeait
vers le nord, à l’opposé de ma direction, et de toutes façons, ils ne
comptaient pas s’encombrer de voyageurs. La chance ne semblait pas décidée à me
sourire…
Je suis allée
retrouver Lars qui s’était assis à une table et bavardait avec deux des
personnes qui voyageaient dans notre diligence, un marchand plutôt taciturne et
un autre homme avec un drôle de chapeau à plumes dont je n’ai pas retenu la
profession. Il y avait aussi un troisième homme, dénommé Wern Hendrick, un serviteur
d’un noble qui venait de s’installer dans un domaine de la région, qu’il avait
eu avec la dot de son épouse. Il nous raconta que lors de leur arrivée au
manoir, qui se trouve au milieu de la forêt de Reikwald, ils avaient subi une
attaque de créatures étranges, mi-homme, mi-chèvre. Décidément, le coin n’est
pas très sûr…
Nous avons été
rejoints par le garde Klueber, assez peu causant, puis la naine, qui fit forte
impression à son arrivée dans la salle avec son armure rutilante. L’espace d’un
instant le calme se fit – ô bonheur –,
on aurait pu entendre une mouche
voler. Mais très vite, les conversations et le bruit reprirent. L’un de nos
compagnons nous apprit que l’homme qui parlait si fort et qui, par ailleurs,
continuer d’écraser systématiquement tous ses adversaires au bras de fer, était
un champion de justice qui accompagnait la gavin à un procès, apparemment, une
sombre histoire de meurtre.
On nous servit à
manger un fort bon ragoût. Manger, me remontât un peu le moral. D’autant que la
soirée et la conversation de mes compagnons était plutôt agréable. Dehors, il
continuait à pleuvoir et nous n’étions pas si mal tomber finalement.
Plusieurs personnes
arrivèrent encore à l’auberge, jusque tard dans la soirée. Je ne me souviens
plus exactement de leur ordre d’arrivée. Trois hommes vêtus de manteaux
sombres, qui prirent une chambre pour trois et commandèrent à manger dans leur
chambre ; nous ne les revîmes pas de la soirée. Une cloche dehors, annonça
l’arrivée d’un bateau, ce qui me remplit de joie. Un jeune couple et deux
bateliers entrèrent alors : les tourtereaux montèrent tandis que les
bateliers s’asseyaient à une table pas très loin de nous. Bizarrement, l’attitude
de Lars changea à partir de ce moment, il parlait moins et semblait plus intéressé
par ce qui se passait à la table d’à côté plutôt qu’à la nôtre. Je crois qu’il
observait l’une des servantes et qu’il surveillait l’attitude des autres
clients, et notamment des bateliers, à son égard. Ah vraiment… Les hommes…Un peu plus tard, j’ai essayé d’aller discuter
avec les bateliers, pour voir si, par miracle, il y aurait moyen qu’ils nous
sortent de là. Et, j’ai encore fait chou blanc. Ils m’ont répondu que la péniche
n’était pas à eux, mais au jeune homme et que ce n’était pas dans ses habitudes
de prendre des passagers.
Un peu plus tard,
trois prêtres de Morr et leurs cochers sont arrivés et ont pris une chambre,
dans laquelle ils ont monté … un cadavre ! Ces gens font vraiment froid
dans le dos !
La gavin fit une
apparition remarquée à un moment de la soirée pour faire remonter son champion,
dont elle voulait en toute logique préserver la santé. Il l’a suivie, la mine
penaude, c’est assez amusant.
La soirée avançant,
les conversations commencèrent à tourner en rond. J’étais fatiguée et je ne souhaitais
pas trop boire, ma mésaventure m’a bien servie de leçon…Je montais donc me
coucher. Notre chambre se trouvait à coté de celles retenues par la gavin et sa
suite. Il y avait plusieurs gardes dans le couloir ; j’ai essayé d’engager
la conversation et de les questionner sur la possibilité de faire une partie du
chemin avec eux. Encore raté ! Dégoutée, je me suis enfermée dans la
chambre. Toujours pas de feu dans la cheminée, mais avec tout ce monde en bas
et la chaleur qui montait du rez-de-chaussée et des cuisines, sans compter
certainement des pièces d’à côté, il ne faisait heureusement pas froid. Mes vêtements
étaient encore humides, mais avaient quand même un peu séché.
J’eus l’impression
que je venais de m’endormir – alors que cela devait faire plus d’une heure –
quand je fus réveillée par des cris dans le couloir et des bruits de lutte étouffés.
Je saisis mon bâton et passais la tête à la porte. Je vis un peu plus loin dans
le couloir, vers l’escalier, un homme qui défonçait une porte à coup de pied. À
l’intérieur des gens criaient.
« Hé vous ! »
hurlais-je. Il ne dénia même pas se retourner, ce qui m’énerva prodigieusement,
d’autant que je n’aime pas être réveillée en sursaut. Je me précipitais derrière
lui et entrait dans la chambre. Il était déjà en train de rouer de coup un
homme dans le lit qui n’était même pas capable de se défendre. À côté, une
fille nue criait en asseyant de se couvrir avec un drap. Sans trop réfléchir,
je levais mon bâton et tapais sur la tête de l’intrus de toutes mes forces. Au
moment où je fis ce geste, je réalisais que j’étais dans une assez mauvaise
posture, car cet homme était visiblement bien plus grand et plus fort que moi
et ce n’était donc pas une très bonne idée de me mêler de ses affaires. Après
tout, je ne connaissais pas les deux tourtereaux et je n’avais aucune raison de
les aider, sauf peut-être pour qu’il nous amènent sur leur bateau pour quitter
cet endroit… Fort heureusement, je ne sais
trop comment, mais en frappant, je réussis à assommer l’homme – il faut dire
que mon bâton est quand même très lourd et très solide. D’autres personnes
arrivèrent à la rescousse, l’aubergiste et ses employés, Lars et Grunilda et
une femme blonde, avec une grande épée que je n’avais pas vue jusque-là. Ils
avaient maitrisé trois autres hommes en bas et dans les escaliers. Ils les jetèrent
tous dehors avec celui que je venais d’assommer. Lorsqu’elle se fut calmée, la
fille nous expliqua que l’un des hommes était son fiancé et que celui qui l’accompagnait
ici était celui qu’elle aimait. Elle avait vraiment l’air désespérée et en même
temps résignée. J’ai bien de la chance d’avoir eu un don qui m’oblige à quitter
la maison de mon père, sans cela il est probable que je pourrais être dans la même
situation que cette fille, obligée d’épouser un homme pour des questions de
stratégie familiale.
Tout danger
semblant écarté, je retournais me coucher ; je n’allais pas rester non
plus pendant des heures en chemise de nuit dans le couloir.
À peine avais-je
fermé les yeux qu’un autre cri retenti, venant cette fois de la pièce à coté où
logeaient la gavin et sa suite. Je me relevais, en prenant mon bâton. Il était écrit
que nous ne dormirions pas cette nuit. Je sortis et vis de la lumière dans la
pièce à coté, je m’approchais. La gavin était là, debout, glaciale, et c’était
l’une de ses servantes qui hurlait. À leurs pieds, gisait le corps imposant d’un
homme ; je reconnus immédiatement le champion Bruno. Il avait une dague
plantée jusqu’à la garde entre les deux omoplates. J’avais déjà vu cette arme
quelque part, mais je ne me souvenais plus exactement où. Il y eut un
attroupement. La gavin éleva la voix pour dire à ses gardes de retrouver le
propriétaire de la dague qui était forcément le meurtrier. J’avais du mal à réfléchir
et je ne comprenais pas franchement son raisonnement ; je me disais juste
que je n’allais certainement pas pouvoir retourner me coucher avant un petit
moment, alors que c’était tout ce dont je rêvais. C’est alors qu’un homme que
je reconnus comme l’un des bateliers désigna Lars du doigt en disant que c’était
sa dague et en montrant le fourreaux vide à sa ceinture. Oh non ! Mais c’est
pas vrai, me dis-je, quel idiot ! Il s’avança disant
que c’était bien sa dague, mais qu’il n’avait rien fait et était resté en bas
toute la soirée sauf au moment de l’échauffourée avec le fiancé jaloux. À aucun
moment il se s’était approché de la chambre de Bruno et il avait pour cela de
nombreux témoins. La naine le confirma et je vis d’autres personnes hocher de
la tête.
« Par les
pouvoirs que me confère mon rang, dit la gavin, rouge de colère, je suis ici la
représentante légitime de la justice impériale. Je vous fais arrêter vous et
vos trois compagnons pour meurtre : vous serez enfermés dans l’une des
chambres, sous la surveillance de mes gardes. Je déciderai demain ce que nous
ferons de vous. La naine prendra la place de mon champion et me représentera
ainsi au procès auquel je dois me rendre ».
Cette fois, j’étais dans de
beaux draps. Et, même si j’en réchappais, je risquais d’avoir de gros problèmes
avec le Collège : être lié à un scandale touchant des gens de la noblesse,
n’était pas exactement ce que l’on attendait des apprentis - et à plus forte
raison, s’il s’agissait de la noblesse de Nuln, étant donnés les desseins que
mes supérieurs forgeaient pour mon avenir dans cette cité. Je me voyais
retournant au Collège entre deux gardes, j’imaginais la colère de mon maître et
s’il ne me tuait pas de ses propres mains, l’emprisonnement, le bûcher ou même
pire, la pacification …
J’ai été enfermée
dans l’une des chambres avec Lars, Clueber. Il y avait des gardes devant notre
porte et en dessous de notre fenêtre à l’extérieur. Je me roulais en boule dans
l’un des lits, j’avais envie de pleurer. Les gardes avaient fouillé dans nos
affaires, pris mon bâton, ma dague, la chasuble de mon Ordre. Peut-être
avaient-ils trouvé ma lettre de recommandation, peut-être l’avaient-ils déchirée… Je me mis à prier Verena, je n’avais
rien fait de mal, j’implorais sa justice bienveillante. De toutes façons, c’était
la seule déesse envers laquelle j’éprouvais quelque chose s’apparentant à de la
dévotion. Même si j’étais loin du fanatisme de ma grand-mère, je connaissais
toutes ses prières, je les avais recopiées durant toute mon enfance.
Le silence était
revenu dans l’auberge lorsque l’on frappa à notre porte. C’était deux gardes de
la comtesse qui vinrent nous chercher pour nous emmener auprès de leur maîtresse.
La chambre où elle
logeait n’avait plus rien à voir avec une chambre d’auberge : des meubles
de qualité, de belles étoffes sur le lit, le baldaquin et aux fenêtres, un
magnifique feu dans la cheminée. On se serait cru transportés dans une demeure
noble, à des milliers de lieux de cette auberge lugubre. Grunilda était là
aussi. Et je vis dans un coin nos
affaires et nos armes, posées à terre.
« Je suis désolée
d’avoir du jouer une telle comédie, commença la gavin. Je ne crois pas que vous
soyez coupable, ajouta-t-elle en se tournant vers Lars. L’un de mes gardes a vérifié
auprès de l’aubergiste ce que vous aviez fait de la soirée et il s’est avéré
que vous ne nous avez pas menti. Et surtout, qui serait assez stupide pour
utiliser sa propre lame pour commettre un forfait et pour l’abandonner ensuite
sur place …»
Je vis Lars rougir.
Je dus me retenir de rire. J’étais tellement soulagée par ce discours, que je
me sentais gagnée par une incontrôlable allégresse.
« J’ai besoin
toutefois que vous me rendiez un service. La personne qui a tué Bruno cherche
visiblement à m’atteindre et à me faire perdre le procès auquel je dois me
rendre. L’assassin était certainement présent ce soir, lorsque nous avons trouvé
le corps et j’ai donc imaginé ce plan pour le piéger. J’ai perdu mon champion,
mais j’ai fait croire que j’en avais trouvé un autre. Il va donc se sentir obligé
d’agir et de l’éliminer à son tour. Vous allez l’attendre dans la chambre avec
votre amie naine et vous me débarrasserez de lui. Tant que je laisserais mes
gardes en faction, il ne bougera pas, donc je les retirerai pendant que vous
monterez la garde à l’intérieur. Si cela fonctionne nous pourrons chacun
reprendre nos routes dès demain matin. Prenez une seule de vos armes et
rejoignez la chambre la chambre de Bruno. »
Jamais je n’ai été
aussi heureuse de retrouver mon bâton. Cela ne servait pas à grand chose, mais
j’ai voulu aussi remettre la chasuble de mon Ordre. Lavée de ses affreux soupçons
et reprenant confiance en mon avenir, c’était une joie supplémentaire pour moi
de renfiler ce costume.
Nous avons gagné la
chambre discrètement. Grunilda a paradé un peu devant la fenêtre puis nous
avons tout éteint. Postés à proximité de chacune des entrées potentielles –
la porte, la fenêtre et la cheminée – nous avons attendu. Pour vérifier qu’aucun
d’entre nous ne s’était endormi nous avions convenu d’un code, un petit bruit à
faire tous les quarts d’heures. Heureusement que nous avions pris cette précaution
car, moins d’une heure après le début de notre surveillance, les deux hommes
dormaient déjà et nous dûmes les réveiller, Grunilda et moi.
L’attente me sembla
durer une éternité. Mais finalement, nous entendîmes un très faible grattement,
en provenance de la cheminée. Je retins
mon souffle, quelques secondes plus tard, je discernais une silhouette. J’avais
repéré l’emplacement des chandelles avant que nous les éteignions et je les
rallumais donc toutes, en même temps.
L’un des premiers
sorts que j’ai appris au Collège consistait à allumer une bougie, puis deux
puis trois, puis dix …
mon score actuellement est à 62 d’un coup. Les apprentis font régulièrement des
concours pour savoir qui en allume le plus. Mon maître prend cela très au sérieux
et met un point d’honneur à ce que je figure parmi les premiers.
Nous fûmes tous éblouis l’espace d’une
seconde, y compris notre assaillant. Puis, nous avons apercu un homme rampant à
terre, tout près du lit où se trouvait Grunilda. Elle se saisit de lui et le
souleva au-dessus d’elle, tandis qu’il essayait de la frapper au visage. Je
sentis une vive chaleur naître au creux de mon estomac. J’éprouvais une telle
colère envers cet homme – par la faute de qui j’avais bien cru que ma dernière
heure avait sonné – que j’eus beaucoup de mal à contenir le feu qui bouillait
en moi. Je réussis à me contrôler de justesse : ne jamais lancer de sort
de feu dans une pièce fermée !
Je visualisais des
aiguilles au bout de mes doigts et elles se matérialisèrent et fusèrent avec
une telle violence que j’en fus même surprise. L’homme fut atteint à la tête et
de la fumée commença à sortir par sa bouche, ses oreilles et ses yeux. Dans la
seconde qui suivit, un carreau d’arbalète se planta dans son crâne et l’acheva. Klueber resta sans bouger, lui aussi hébété par l’efficacité de son coup.
Nous regardâmes l’homme
mort au pied du lit. Tout s’était passé très vite. Nous n’avions pas réfléchi qu’il
pouvait être judicieux de le prendre vivant pour connaître son commanditaire… Nous fouillâmes son
corps : il avait sur lui une bourse avec 20 couronnes que nous nous
partageâmes. La gavin n’en avait aucun besoin de toutes façons. L’un de nous
sortit la chercher. Quand elle vit le
corps et après que nous lui ayons raconté le déroulement de l’attaque, elle
sembla satisfaite. Nous étions quittes (de quoi, je n’en sais rien puisque nous
n’y étions pas en cause dans la mort de Bruno…), elle nous libéra et nous autorisa à regagner
nos chambres.
Grunilda et moi
sommes donc retournées dans la pièce où nous étions installées à l’origine.
Toutes nos affaires nous ont été rendues, chaque chose semblait avoir repris sa
place comme si de rien n’était. Je cherchais frénétiquement la lettre du
patriarche de l’Ordre et je la trouvais, avec mon grimoire. Soulagée, je m’effondrais
sur le lit.
Étonnamment, je me
suis endormie presque immédiatement et mon sommeil a été lourd et sans rêves.
Lorsque je me suis réveillée, le soleil était déjà haut dans le ciel. Il y avait sur un
meuble un pichet avec de l’eau et une bassine. Je me suis lavée le visage pour
me réveiller et je me suis habillée – j’ai alors réalisé que pendant toute mon
aventure de la nuit, je m’étais promenée en chemise de nuit.
Grunilda s’est réveillée
également et nous sommes descendues dans la salle à manger où nous avons
retrouvé nos deux compagnons d’infortune. Il était près de 11h. L’auberge était
déserte. La gavin et sa suite étaient parties vers 8 h. Le couple de
tourtereaux s’était enfui pendant la nuit. Les prêtres de Moor avaient pris un
bateau, avec le cadavre également pendant la nuit et la dénommée Ursula que j’avais
entrevue dans la nuit était également partie à une heure indéterminée. Vern Hendrick, le
serviteur avec qui nous avions discuté la veille était encore là. Il vint nous
trouver dès que nous furent arrivées.
« Bonjour !
Eh bien, quelle nuit ! Nous dit-il, en souriant. J’aurais besoin de vous
parler. Je vous offre le déjeuner si vous voulez bien. »
Nous avons accepté,
non sans ressentir un certain étonnement. Nous nous sommes donc attablés autour
d’un solide déjeuner. Wern reprit son explication.
« Mon maître,
après son installation m’a envoyé chercher des meubles et des affaires dans son
ancienne demeure. Il m’a également confié la mission de lui trouver quelques
personnes pour mener une enquête au manoir. En effet, lorsque nous sommes arrivés,
outre les problèmes que j’ai évoqué hier, nous avons trouvé que les gens du
manoir et les paysans des alentour avaient une attitude étrange. Nous n’avons
pas trouvé la raison de cette situation et nous aurions donc besoin que vous
vous fassiez passer pour des manœuvres afin de comprendre ce qui se passe là-bas.
Vous serez évidemment payés pour votre peine : mon maître m’a autorisé à
monter jusqu’à cinq couronnes dont une payable par avance, à l’acceptation de
la mission. »
Mon choix fut vite
fait. Nous étions coincés ici, pour une durée indéterminée et, personnellement,
moins je resterais dans cet horrible endroit, mieux je me porterais. En outre,
si le domaine de son maître n’était pas vraiment dans la bonne direction, je
pourrais certainement négocier d’être ramenée vers une ville, une fois notre
mission accomplie. Enfin, cela n’avait pas l’air si compliqué… Je pense que mes
compagnons ont suivi un raisonnement assez similaire au mien. Sans beaucoup d’hésitation,
nous avons donc accepté le contrat. Il fallait une
bonne demi-journée de voyage pour se rendre au domaine. Comme il était déjà tard, Vern nous avertit que nous ne partirions que le lendemain matin.
Hannah Van Baumer
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