vendredi 17 octobre 2014

Une nuit agitée à l'auberge des Trois Plumes

     

    Après la journée horrible que nous venions de passer, mes nouveaux compagnons et moi, trimbalés sur le toit d’une diligence, attaqués par des gobelins, le tout, sous la pluie, je pensais que nous pouvions difficilement tomber plus bas. J’étais trempée, frigorifié, couverte de sang vert et épuisée par le combat et la nuit de beuverie que j’avais traversée. J’avais l’impression qu’un tambour cognait dans ma tête. Sans compter que d’après ce que nous avait expliqué le patrouilleur nous nous trouvions à l’opposé de la direction que j’étais censée prendre. Je sentais une certaine morosité monter en moi.

    Quand nous aperçûmes les bâtiments éclairés et plein de vie sur le bord de cette route de malheur, je me sentis un peu mieux. Cette auberge m’apparut telle un havre miraculeux.

 



     Tout à plutôt bien commencé : malgré la présence d’une forte troupe – il  y avait près d’une trentaine de gardes et de serviteurs –, nous  avons réussi à trouver de la place. J’ai pris une chambre avec la naine, Grunilda, qui est fort sympathique et, pour me réchauffer et ôter le sang de ces sales peaux vertes, je me suis fait préparer un bain, bien chaud, comme je les aime. Après avoir essayé de nettoyer autant de taches que possible sur les vêtements, je les ai étendus sur une chaise près de la cheminée où quelques braises étaient en train de mourir. Heureusement que j’ai des affaires de rechange et qu’elles étaient restées au sec J’ai essayé de raviver un peu le feu, mais en l’absence de combustible, cela n’a pas duré très longtemps. J’ai réclamé du bois à un des serviteurs qui m’avait monté mon bain et n’ai réussi qu’à obtenir deux fines bûches, juste de quoi tenir une petite heure Pour en avoir plus, le supplément était exorbitant. En raison du grand nombre de clients dans l’auberge ce soir, je compris rapidement que le tenancier n’aurait aucune envie de faire des efforts, il allait visiblement gagner beaucoup d’argent inutile d’insister.


     Je descendis dans la salle à manger, laissant la naine astiquer son armure, avec autant de minutie et de soin que si sa vie en dépendait. 

    J’ai été voir l’aubergiste pour me renseigner sur les moyens de rejoindre une ville –Ubersreik ou, au moins, Stromdorf - d’où  je pourrais me remettre en route pour Karaz-Azgaraz. Comme je m’en doutais un peu, j’eus la confirmation que cela risquait d’être compliqué. La diligence, il ne fallait pas y compter : la compagnie allait certainement envoyer des cochers quand le patrouilleur rural l’aurait prévenue, mais cela risquait de prendre des jours avant que nous puissions repartir. Il n’y a de surcroît pas d’autre passage de diligence prévu. La solution pourrait s’offrir à nous de quitter cet endroit par la rivière car des bateaux s’arrêtent parfois au ponton en face. Mais là encore, rien de régulier. 

    Dépitée, je me commandais une bière. Mon maître ne m’avait pas donné de délais précis pour aller lui chercher son brasero chez les nains, mais il est évident que si mon voyage s’éternisait, je risquais d’avoir du mal à le justifier, d’autant que ce malencontreux détour était le résultat d’une soirée où je m’étais conduite de manière pour le moins imprudente.
    Je me dirigeais vers la cheminée, où je retrouvais l’un de mes compagnons, le patrouilleur Lars Goetze.



     Il y avait dans la salle beaucoup d’animation. La troupe que nous avions vue à notre arrivée était en fait la suite d’une gavin de la famille de la comtesse de Nuln, Emmanuelle von Liebwitz. Beaucoup de ses serviteurs trainaient dans la salle et entouraient un homme très grand, tout en muscles et qui parlait très fort. Ils faisaient des paris et des bras de fer, tout en buvant beaucoup. Cet homme s’appelait Bruno, je le compris très vite car ses supporters scandaient son prénom pour l’encourager face à ses adversaires. D’ailleurs, cela semblait plutôt lui réussir car il enchaînait les victoires et, à une couronne la partie, commençait à accumuler un joli petit pactole J’avais encore un peu mal à la tête et tout ce bruit était assez difficile à supporter. À un moment, j’ai essayé de discuter avec l’un des serviteurs pour savoir où ils se rendaient et s’il était envisageable de faire route avec eux, éventuellement moyennant un petit paiement. Il doucha assez rapidement mes espoirs : le groupe se dirigeait vers le nord, à l’opposé de ma direction, et de toutes façons, ils ne comptaient pas s’encombrer de voyageurs. La chance ne semblait pas décidée à me sourire
 
      Je suis allée retrouver Lars qui s’était assis à une table et bavardait avec deux des personnes qui voyageaient dans notre diligence, un marchand plutôt taciturne et un autre homme avec un drôle de chapeau à plumes dont je n’ai pas retenu la profession. Il y avait aussi un troisième homme, dénommé Wern Hendrick, un serviteur d’un noble qui venait de s’installer dans un domaine de la région, qu’il avait eu avec la dot de son épouse. Il nous raconta que lors de leur arrivée au manoir, qui se trouve au milieu de la forêt de Reikwald, ils avaient subi une attaque de créatures étranges, mi-homme, mi-chèvre. Décidément, le coin n’est pas très sûr

     Nous avons été rejoints par le garde Klueber, assez peu causant, puis la naine, qui fit forte impression à son arrivée dans la salle avec son armure rutilante. L’espace d’un instant le calme se fit – ô bonheur –,  on  aurait pu entendre une mouche voler. Mais très vite, les conversations et le bruit reprirent. L’un de nos compagnons nous apprit que l’homme qui parlait si fort et qui, par ailleurs, continuer d’écraser systématiquement tous ses adversaires au bras de fer, était un champion de justice qui accompagnait la gavin à un procès, apparemment, une sombre histoire de meurtre.
     
     On nous servit à manger un fort bon ragoût. Manger, me remontât un peu le moral. D’autant que la soirée et la conversation de mes compagnons était plutôt agréable. Dehors, il continuait à pleuvoir et nous n’étions pas si mal tomber finalement.

     Plusieurs personnes arrivèrent encore à l’auberge, jusque tard dans la soirée. Je ne me souviens plus exactement de leur ordre d’arrivée. Trois hommes vêtus de manteaux sombres, qui prirent une chambre pour trois et commandèrent à manger dans leur chambre ; nous ne les revîmes pas de la soirée. Une cloche dehors, annonça l’arrivée d’un bateau, ce qui me remplit de joie. Un jeune couple et deux bateliers entrèrent alors : les tourtereaux montèrent tandis que les bateliers s’asseyaient à une table pas très loin de nous. Bizarrement, l’attitude de Lars changea à partir de ce moment, il parlait moins et semblait plus intéressé par ce qui se passait à la table d’à côté plutôt qu’à la nôtre. Je crois qu’il observait l’une des servantes et qu’il surveillait l’attitude des autres clients, et notamment des bateliers, à son égard.  Ah vraiment Les hommesUn peu plus tard, j’ai essayé d’aller discuter avec les bateliers, pour voir si, par miracle, il y aurait moyen qu’ils nous sortent de là. Et, j’ai encore fait chou blanc. Ils m’ont répondu que la péniche n’était pas à eux, mais au jeune homme et que ce n’était pas dans ses habitudes de prendre des passagers.

     Un peu plus tard, trois prêtres de Morr et leurs cochers sont arrivés et ont pris une chambre, dans laquelle ils ont monté un cadavre ! Ces gens font vraiment froid dans le dos !

    La gavin fit une apparition remarquée à un moment de la soirée pour faire remonter son champion, dont elle voulait en toute logique préserver la santé. Il l’a suivie, la mine penaude, c’est assez amusant.

     La soirée avançant, les conversations commencèrent à tourner en rond. J’étais fatiguée et je ne souhaitais pas trop boire, ma mésaventure m’a bien servie de leçon…Je montais donc me coucher. Notre chambre se trouvait à coté de celles retenues par la gavin et sa suite. Il y avait plusieurs gardes dans le couloir ; j’ai essayé d’engager la conversation et de les questionner sur la possibilité de faire une partie du chemin avec eux. Encore raté ! Dégoutée, je me suis enfermée dans la chambre. Toujours pas de feu dans la cheminée, mais avec tout ce monde en bas et la chaleur qui montait du rez-de-chaussée et des cuisines, sans compter certainement des pièces d’à côté, il ne faisait heureusement pas froid. Mes vêtements étaient encore humides, mais avaient quand même un peu séché. 

     J’eus l’impression que je venais de m’endormir – alors que cela devait faire plus d’une heure – quand je fus réveillée par des cris dans le couloir et des bruits de lutte étouffés. Je saisis mon bâton et passais la tête à la porte. Je vis un peu plus loin dans le couloir, vers l’escalier, un homme qui défonçait une porte à coup de pied. À l’intérieur des gens criaient.
« Hé vous ! » hurlais-je. Il ne dénia même pas se retourner, ce qui m’énerva prodigieusement, d’autant que je n’aime pas être réveillée en sursaut. Je me précipitais derrière lui et entrait dans la chambre. Il était déjà en train de rouer de coup un homme dans le lit qui n’était même pas capable de se défendre. À côté, une fille nue criait en asseyant de se couvrir avec un drap. Sans trop réfléchir, je levais mon bâton et tapais sur la tête de l’intrus de toutes mes forces. Au moment où je fis ce geste, je réalisais que j’étais dans une assez mauvaise posture, car cet homme était visiblement bien plus grand et plus fort que moi et ce n’était donc pas une très bonne idée de me mêler de ses affaires. Après tout, je ne connaissais pas les deux tourtereaux et je n’avais aucune raison de les aider, sauf peut-être pour qu’il nous amènent sur leur bateau pour quitter cet endroit Fort heureusement, je ne sais trop comment, mais en frappant, je réussis à assommer l’homme – il faut dire que mon bâton est quand même très lourd et très solide. D’autres personnes arrivèrent à la rescousse, l’aubergiste et ses employés, Lars et Grunilda et une femme blonde, avec une grande épée que je n’avais pas vue jusque-là. Ils avaient maitrisé trois autres hommes en bas et dans les escaliers. Ils les jetèrent tous dehors avec celui que je venais d’assommer. Lorsqu’elle se fut calmée, la fille nous expliqua que l’un des hommes était son fiancé et que celui qui l’accompagnait ici était celui qu’elle aimait. Elle avait vraiment l’air désespérée et en même temps résignée. J’ai bien de la chance d’avoir eu un don qui m’oblige à quitter la maison de mon père, sans cela il est probable que je pourrais être dans la même situation que cette fille, obligée d’épouser un homme pour des questions de stratégie familiale.

     Tout danger semblant écarté, je retournais me coucher ; je n’allais pas rester non plus pendant des heures en chemise de nuit dans le couloir.

     À peine avais-je fermé les yeux qu’un autre cri retenti, venant cette fois de la pièce à coté où logeaient la gavin et sa suite. Je me relevais, en prenant mon bâton. Il était écrit que nous ne dormirions pas cette nuit. Je sortis et vis de la lumière dans la pièce à coté, je m’approchais. La gavin était là, debout, glaciale, et c’était l’une de ses servantes qui hurlait. À leurs pieds, gisait le corps imposant d’un homme ; je reconnus immédiatement le champion Bruno. Il avait une dague plantée jusqu’à la garde entre les deux omoplates. J’avais déjà vu cette arme quelque part, mais je ne me souvenais plus exactement où. Il y eut un attroupement. La gavin éleva la voix pour dire à ses gardes de retrouver le propriétaire de la dague qui était forcément le meurtrier. J’avais du mal à réfléchir et je ne comprenais pas franchement son raisonnement ; je me disais juste que je n’allais certainement pas pouvoir retourner me coucher avant un petit moment, alors que c’était tout ce dont je rêvais. C’est alors qu’un homme que je reconnus comme l’un des bateliers désigna Lars du doigt en disant que c’était sa dague et en montrant le fourreaux vide à sa ceinture. Oh non ! Mais c’est pas vrai, me dis-je, quel idiot ! Il s’avança disant que c’était bien sa dague, mais qu’il n’avait rien fait et était resté en bas toute la soirée sauf au moment de l’échauffourée avec le fiancé jaloux. À aucun moment il se s’était approché de la chambre de Bruno et il avait pour cela de nombreux témoins. La naine le confirma et je vis d’autres personnes hocher de la tête. 


     « Par les pouvoirs que me confère mon rang, dit la gavin, rouge de colère, je suis ici la représentante légitime de la justice impériale. Je vous fais arrêter vous et vos trois compagnons pour meurtre : vous serez enfermés dans l’une des chambres, sous la surveillance de mes gardes. Je déciderai demain ce que nous ferons de vous. La naine prendra la place de mon champion et me représentera ainsi au procès auquel je dois me rendre ».


     Cette fois, j’étais dans de beaux draps. Et, même si j’en réchappais, je risquais d’avoir de gros problèmes avec le Collège : être lié à un scandale touchant des gens de la noblesse, n’était pas exactement ce que l’on attendait des apprentis - et à plus forte raison, s’il s’agissait de la noblesse de Nuln, étant donnés les desseins que mes supérieurs forgeaient pour mon avenir dans cette cité. Je me voyais retournant au Collège entre deux gardes, j’imaginais la colère de mon maître et s’il ne me tuait pas de ses propres mains, l’emprisonnement, le bûcher ou même pire, la pacification 
 
    J’ai été enfermée dans l’une des chambres avec Lars, Clueber. Il y avait des gardes devant notre porte et en dessous de notre fenêtre à l’extérieur. Je me roulais en boule dans l’un des lits, j’avais envie de pleurer. Les gardes avaient fouillé dans nos affaires, pris mon bâton, ma dague, la chasuble de mon Ordre. Peut-être avaient-ils trouvé ma lettre de recommandation, peut-être l’avaient-ils déchirée Je me mis à prier Verena, je n’avais rien fait de mal, j’implorais sa justice bienveillante. De toutes façons, c’était la seule déesse envers laquelle j’éprouvais quelque chose s’apparentant à de la dévotion. Même si j’étais loin du fanatisme de ma grand-mère, je connaissais toutes ses prières, je les avais recopiées durant toute mon enfance. 

    Le silence était revenu dans l’auberge lorsque l’on frappa à notre porte. C’était deux gardes de la comtesse qui vinrent nous chercher pour nous emmener auprès de leur maîtresse.

    La chambre où elle logeait n’avait plus rien à voir avec une chambre d’auberge : des meubles de qualité, de belles étoffes sur le lit, le baldaquin et aux fenêtres, un magnifique feu dans la cheminée. On se serait cru transportés dans une demeure noble, à des milliers de lieux de cette auberge lugubre. Grunilda était là aussi.  Et je vis dans un coin nos affaires et nos armes, posées à terre.

« Je suis désolée d’avoir du jouer une telle comédie, commença la gavin. Je ne crois pas que vous soyez coupable, ajouta-t-elle en se tournant vers Lars. L’un de mes gardes a vérifié auprès de l’aubergiste ce que vous aviez fait de la soirée et il s’est avéré que vous ne nous avez pas menti. Et surtout, qui serait assez stupide pour utiliser sa propre lame pour commettre un forfait et pour l’abandonner ensuite sur place »

    Je vis Lars rougir. Je dus me retenir de rire. J’étais tellement soulagée par ce discours, que je me sentais gagnée par une incontrôlable allégresse. 

    « J’ai besoin toutefois que vous me rendiez un service. La personne qui a tué Bruno cherche visiblement à m’atteindre et à me faire perdre le procès auquel je dois me rendre. L’assassin était certainement présent ce soir, lorsque nous avons trouvé le corps et j’ai donc imaginé ce plan pour le piéger. J’ai perdu mon champion, mais j’ai fait croire que j’en avais trouvé un autre. Il va donc se sentir obligé d’agir et de l’éliminer à son tour. Vous allez l’attendre dans la chambre avec votre amie naine et vous me débarrasserez de lui. Tant que je laisserais mes gardes en faction, il ne bougera pas, donc je les retirerai pendant que vous monterez la garde à l’intérieur. Si cela fonctionne nous pourrons chacun reprendre nos routes dès demain matin. Prenez une seule de vos armes et rejoignez la chambre la chambre de Bruno. »

    Jamais je n’ai été aussi heureuse de retrouver mon bâton. Cela ne servait pas à grand chose, mais j’ai voulu aussi remettre la chasuble de mon Ordre. Lavée de ses affreux soupçons et reprenant confiance en mon avenir, c’était une joie supplémentaire pour moi de renfiler ce costume.

     Nous avons gagné la chambre discrètement. Grunilda a paradé un peu devant la fenêtre puis nous avons tout éteint. Postés à proximité de chacune des entrées potentielles – la porte, la fenêtre et la cheminée – nous avons attendu. Pour vérifier qu’aucun d’entre nous ne s’était endormi nous avions convenu d’un code, un petit bruit à faire tous les quarts d’heures. Heureusement que nous avions pris cette précaution car, moins d’une heure après le début de notre surveillance, les deux hommes dormaient déjà et nous dûmes les réveiller, Grunilda et moi. 

    L’attente me sembla durer une éternité. Mais finalement, nous entendîmes un très faible grattement, en provenance de la cheminée.  Je retins mon souffle, quelques secondes plus tard, je discernais une silhouette. J’avais repéré l’emplacement des chandelles avant que nous les éteignions et je les rallumais donc toutes, en même temps.

     L’un des premiers sorts que j’ai appris au Collège consistait à allumer une bougie, puis deux puis trois, puis dix mon score actuellement est à 62 d’un coup. Les apprentis font régulièrement des concours pour savoir qui en allume le plus. Mon maître prend cela très au sérieux et met un point d’honneur à ce que je figure parmi les premiers. 


     Nous fûmes tous éblouis l’espace d’une seconde, y compris notre assaillant. Puis, nous avons apercu un homme rampant à terre, tout près du lit où se trouvait Grunilda. Elle se saisit de lui et le souleva au-dessus d’elle, tandis qu’il essayait de la frapper au visage. Je sentis une vive chaleur naître au creux de mon estomac. J’éprouvais une telle colère envers cet homme – par la faute de qui j’avais bien cru que ma dernière heure avait sonné – que j’eus beaucoup de mal à contenir le feu qui bouillait en moi. Je réussis à me contrôler de justesse : ne jamais lancer de sort de feu dans une pièce fermée ! 

     Je visualisais des aiguilles au bout de mes doigts et elles se matérialisèrent et fusèrent avec une telle violence que j’en fus même surprise. L’homme fut atteint à la tête et de la fumée commença à sortir par sa bouche, ses oreilles et ses yeux. Dans la seconde qui suivit, un carreau d’arbalète se planta dans son crâne et l’acheva. Klueber resta sans bouger, lui aussi hébété par l’efficacité de son coup.

     Nous regardâmes l’homme mort au pied du lit. Tout s’était passé très vite. Nous n’avions pas réfléchi qu’il pouvait être judicieux de le prendre vivant pour connaître son commanditaireNous fouillâmes son corps : il avait sur lui une bourse avec 20 couronnes que nous nous partageâmes. La gavin n’en avait aucun besoin de toutes façons. L’un de nous sortit la chercher. Quand elle vit le corps et après que nous lui ayons raconté le déroulement de l’attaque, elle sembla satisfaite. Nous étions quittes (de quoi, je n’en sais rien puisque nous n’y étions pas en cause dans la mort de Bruno), elle nous libéra et nous autorisa à regagner nos chambres.

    Grunilda et moi sommes donc retournées dans la pièce où nous étions installées à l’origine. Toutes nos affaires nous ont été rendues, chaque chose semblait avoir repris sa place comme si de rien n’était. Je cherchais frénétiquement la lettre du patriarche de l’Ordre et je la trouvais, avec mon grimoire. Soulagée, je m’effondrais sur le lit. 

    Étonnamment, je me suis endormie presque immédiatement et mon sommeil a été lourd et sans rêves. Lorsque je me suis réveillée, le soleil était déjà haut dans le ciel. Il y avait sur un meuble un pichet avec de l’eau et une bassine. Je me suis lavée le visage pour me réveiller et je me suis habillée – j’ai alors réalisé que pendant toute mon aventure de la nuit, je m’étais promenée en chemise de nuit.

    Grunilda s’est réveillée également et nous sommes descendues dans la salle à manger où nous avons retrouvé nos deux compagnons d’infortune. Il était près de 11h. L’auberge était déserte. La gavin et sa suite étaient parties vers 8 h. Le couple de tourtereaux s’était enfui pendant la nuit. Les prêtres de Moor avaient pris un bateau, avec le cadavre également pendant la nuit et la dénommée Ursula que j’avais entrevue dans la nuit était également partie à une heure indéterminée. Vern Hendrick, le serviteur avec qui nous avions discuté la veille était encore là. Il vint nous trouver dès que nous furent arrivées. 

     « Bonjour ! Eh bien, quelle nuit ! Nous dit-il, en souriant. J’aurais besoin de vous parler. Je vous offre le déjeuner si vous voulez bien. »

    Nous avons accepté, non sans ressentir un certain étonnement. Nous nous sommes donc attablés autour d’un solide déjeuner. Wern reprit son explication. 

    « Mon maître, après son installation m’a envoyé chercher des meubles et des affaires dans son ancienne demeure. Il m’a également confié la mission de lui trouver quelques personnes pour mener une enquête au manoir. En effet, lorsque nous sommes arrivés, outre les problèmes que j’ai évoqué hier, nous avons trouvé que les gens du manoir et les paysans des alentour avaient une attitude étrange. Nous n’avons pas trouvé la raison de cette situation et nous aurions donc besoin que vous vous fassiez passer pour des manœuvres afin de comprendre ce qui se passe là-bas. Vous serez évidemment payés pour votre peine : mon maître m’a autorisé à monter jusqu’à cinq couronnes dont une payable par avance, à l’acceptation de la mission. »

  Mon choix fut vite fait. Nous étions coincés ici, pour une durée indéterminée et, personnellement, moins je resterais dans cet horrible endroit, mieux je me porterais. En outre, si le domaine de son maître n’était pas vraiment dans la bonne direction, je pourrais certainement négocier d’être ramenée vers une ville, une fois notre mission accomplie. Enfin, cela n’avait pas l’air si compliqué Je pense que mes compagnons ont suivi un raisonnement assez similaire au mien. Sans beaucoup d’hésitation, nous avons donc accepté le contrat. Il fallait une bonne demi-journée de voyage pour se rendre au domaine. Comme il était déjà tard, Vern nous avertit que nous ne partirions que le lendemain matin. 
 
Hannah Van Baumer

Klueber

A venir !

Les nains sont sur le sentier de la guerre...





    Laissez-moi vous conter l'histoire de mon clan, une histoire pleine de gloire, une histoire de rancune, une histoire de Nain !

    Le nom du clan Durak est maintenant associé au Grung Agrilebaz. Il s'agit de la mine la plus orientale dépendant de la citadelle naine Karak Izor. C'est une colonie naine dépendant de la couronne naine de Karak Izor qui y avait envoyé plusieurs familles prestigieuses pour y établir une mine avec son réseau de galeries, sa ville et un comptoir commercial. Les Nains du clan Durak y ont été envoyé dès les premiers instants car c'est un prospecteur du clan qui a découvert les importants filons de cuivre de la région. 



    Créée par les nains, envahie et à moitié détruite par des vagues de peaux-vertes et de skavens, abandonnée puis reprise par ses bâtisseurs pour être ensuite perdue à nouveau, la colonie a ainsi connu une histoire longue et tragique alternant perte et reconquête. La dernière fois qu'un nain y a dirigé les mines c'était en 2403. Un clan de peaux-vertes y a alors déboulé par des voies d'accès abandonnées d'anciennes mines de cuivre taries et a envahi les lieux. Le peu de survivants s'est alors enfui. Les nains exilés se sont d'abord réfugiés dans la ville proche de Kreutzhofer car les voies occidentales menant à Karak Izor étaient occupées par des forces armées ennemies. Devant cette menace, beaucoup de personnes se sont repliées à Wusterburg, ville de taille plus importante et à même de se défendre contre les incursions des peaux vertes, dans le sud du Wissenland

    Puis, il y a une cinquantaine d'années, les familles survivantes des riches mines de cuivre de Grung Agrilebaz se sont dispersées dans l'Empire, pour la plupart, à la suite de la mort du dernier descendant de la famille en charge de la mine, Skaggi Olafson, Grand Prêtre des Runes et représentant de Kazgan Frontsévère, Haut-Roi sous la montagne de Karak Izor. Ainsi, beaucoup ayant perdu espoir de voir leur Grung reconquis suite à la mort du Grand Prêtre des Runes Skaggi Olafson se sont réfugiés dans des Karak plus ou moins lointains. Bénéficiant de l'aura de respect de Karak Izor, ils sont pour la plupart respectés par les autres nains même si ceux-ci les considèrent avec un peu de pitié suite à la perte de leur Grung. Quelques autres continuent de vivre au cœur des communautés humaines de l'Empire faisant commerce de leur artisanat inégalé ou de leur expertise au combat. 

    Le destin du clan des Helgarson, maintenant connu sous le nom des Poings-Nus est différent. En effet, cette famille autrefois respectée a fourni bon nombre de guerriers, Brisefer et autres Gardiens des Rancunes mais elle endosse maintenant la responsabilité de la chute du Grung Agrilebaz. Les 6 frères Helgarson étaient en charge de la garde de la mine avec leurs gardes, lorsqu'ils se sont faits surprendre par les peaux-vertes du clan du Croc-Jaune déboulant par des tunnels oubliés dans la salle d'armes ils se sont battus avec ce qu'ils avaient sous la main, leurs seuls poings. Ils se sont fait massacrer et ont du fuir la mine escortant les autres familles naines. Depuis, les deux frères survivants, et tous les gades sous leurs ordres, soit une poignée maintenant, ont prêté le serment du Tueur et ils errent au sein de l'Empire cherchant une mort honorable afin de venger leur nom et retrouver un honneur disparu. Ils sont connus comme la Compagnie du Poing Nu

    Le clan des Touchés par la Foudre, le clan Durak, s'est quant à lui divisé en deux, une partie s'est rendue à Karak Azgaraz pour y repartir de zéro dans cette jeune cité naine des Montagnes Grises. L'autre a tenté de rejoindre leur Karak d'origine, Karak Izor. Aucune nouvelle n'est parvenue des Monts de la Voûte depuis lors... Le nom du clan provient de la mèche blanche que porte tous les descendants d'Oblar Marteau-Gris, foudroyé (et survivant) pendant la guerre de la Barbe, certains parlent même d'un éclair de magie Waaagh. 
  

    Je m'appelle Grunilda et je suis une naine du clan Durak. Je suis à la recherche de mon frère, Ulrik Durakson. Il travaillait comme mineur et maçon mais il a disparu sans laisser de trace. Certains racontent qu'il serait parti en compagnie d'un marchand tiléen pour se rapprocher de notre Grung, d'autres pensent qu'il a été kidnappé par des peaux-vertes dans les Montagnes Grises. Si vous voyez un nain aux cheveux de jais avec une barbe décorée d'une mèche blanche, contactez-moi de toute urgence.

    Ceci est l'histoire de mon clan et je compte bien en écrire les lignes à venir, dussé-je tremper ma plume dans le sang de mes ennemis.

samedi 11 octobre 2014

Lars Goetze





          Lars Goetze est le fils puîné d’une famille de paysans aisés du village d’Unterbaum, situé au sud-ouest du Grand-Duché de Talabecland sur les rives de la rivière Talabec. Peu versé dans le travail de la terre, le jeune Lars a très tôt préféré la compagnie d’une bande de jeunes désœuvrés du village, plus attirés par les jupes des lavandières et la bière. Face à l’incurie de son rejeton, Herr Matthias Goetze l’a rapidement forcé à rentrer dans le rang et à embrasser une carrière qui ne fasse pas honte à la famille.

            C’est ainsi que Lars a débuté, au début bien à contrecœur,  un emploi de patrouilleur rural.  Mais, malgré tout respectueux des valeurs familiales et avec un sens de la morale chevillé au corps, il s’est pris au jeu et a rapidement commencé à exceller dans ses nouvelles fonctions. Son caractère audacieux ajouté à sa rectitude l’ont fait remarquer de ses supérieurs qui n’ont pas tardé à lui confier des missions périlleuses sur les voies qui mènent à la Grande Forêt. Il lui est également arrivé d’accompagner des caravanes marchandes descendant la rivière Talabec en direction du Reikland et d’Altdorf.

            C’est durant une mission d’escorte que Lars fit la connaissance de Gudrun, la jeune et jolie fille d’Otto Holzacker, un riche marchand d’Altdorf. Notre ami en tomba éperdument amoureux et une idylle ne tarda pas à naître au cours du voyage. Belle, Gudrun l’était assurément, mais sa beauté n’égalait que son caractère volage et le pauvre Lars en fut pour ses frais. Lors d’une escale, la donzelle fit la connaissance d’un bateleur nommé Bernd Schnitzer. Malgré ses farces éculées et son humour douteux sur les mœurs des paysans du Middenland, le coquin conquit le cœur de la belle. Gudrun s’enfuit dans la nuit au cou de son nouvel amour et la troupe d’amuseurs publics qui l’accompagnait.
            
         Aveuglé par l’amour, Lars se persuada naïvement que Gudrun avait été enlevée. Malgré les avertissements de ses collègues patrouilleurs, il se mit résolument à la recherche de la joyeuse compagnie, qui selon les témoins les plus fiables devaient se rendre en direction de la capitale impériale.

            C’est ainsi que, pour la première fois, Lars trahit ses vœux de patrouilleur et se mis à errer sur les routes de l’Empire

Informations complémentaires :
Nom : Lars Goetze, fils de Matthias Goetze d’Unterbaum
Âge : 24 ans
Taille : 1,72 m
Cheveux/yeux : blonds cendrés/gris


Origine : fils du paysan fortuné, Matthias Goetze. Sa famille a fait fortune dans l’élevage de porcs et la production de salaisons. La maison Goetze est connue dans toute la moyenne vallée de la Stir pour son célèbre plat de côtes fumé et sa saucisse de foie.

Histoire familiale : Le patriarche Matthias Goetze est marié à Hertwig Muckensturm, la mère qui lui a donné sept beaux enfants, dont cinq sont encore vivants aujourd’hui. La sœur aînée Friedehilde s’est mariée à un riche négociant en vin de l’Averland. Suivirent deux jumeaux, un garçon et une fille, Tilman et Lisa. Tilman en tant qu’aîné de la fratrie est appelé à reprendre la direction des activités de la famille et est à cet égard déjà étroitement associé à leur gestion. Lisa était une petite fille souffreteuse qui fut emportée par une vilaine grippe l’année de ses cinq ans. Deux ans plus tard naquit Helmut qui est aujourd’hui un jeune homme volontaire mais peu versé dans les affaires. Il se contente de s’occuper du cheptel, occupation dans laquelle il excelle. 

        Rhéa est la cinquième enfant de la fratrie. Plus âgée d’un an que Lars, elle était de loin la plus belle des filles du canton. Sa chevelure couleur bronze et ses manières délicates ont séduit, il y a un an de cela, le seigneur Jens von Herkwitz, un nobliau de passage originaire du Reikland. Après quelques jours à conter fleurette à la douce Rhéa, von Herkwitz fit sa demande à Herr Matthias, qui, face à l’imposante dot proposée, n’eut d’autre choix que d’accepter. Cette histoire qui semble fort à un conte de fée, empoissonne en réalité la vie des Goetze et avec eux du village entier. Depuis leur mariage en grande pompe et leur départ, on est effectivement sans nouvelles du jeune couple. Pire encore, après renseignements pris auprès de voyageurs reiklandais, personne n’a jamais entendu parler d’une famille von Herkwitz dans ces contrées
Pour finir, Lars est le plus jeune enfant en vie. Un jeune garçon, Ottmar, naquit deux ans plus tard mais il n’a pas survécu à sa première année.


Carrière actuelle : Patrouilleur rural
Motivations : Lars est parti sur les routes il y a peu, à la poursuite de l’inconstante Gudrun en espérant naïvement la reconquérir. Au fond, il pense également à sa sœur aînée, Rhéa, qui a disparu au bras du mystérieux Jens von Herkwitz. L’argent lui importe dans la mesure où il lui permet d’accomplir les tâches qu’il s’est fixé, mais ne constitue pas un but en soi.
Caractère : Lars est un jeune homme au caractère marqué par son éducation traditionnelle. Comme de nombreux Talabeclandais, il est attaché à sa liberté et à une certaine rusticité. Les mœurs légères et la frivolité des gens de la ville et des reiklandais lui inspirent bien peu de confiance. Parfois un peu naïf, il a une certaine propension à taquiner la bouteille lorsqu’il est perturbé.

Hannah van Baumer de Nuln, apprentie pyromancienne




« Baumer ! Par le marteau de Sigmar ! »

            La voix de mon maître avait retenti à travers tout l’étage de la tour. Au même instant, toutes les flammes des torches s’étaient mises à vaciller. J’ai accéléré le pas en direction de sa salle de travail, autant que me le permettait le poids des grosses bûches de bois que je transportais.

« Enfin ! J’ai cru mourir de froid ! hurla-t-il en me voyant entrer. Pourquoi cela t’a-til pris aussi longtemps, feignante ! »

            Je me précipitais vers la grande cheminée, jetais le bois dans l’âtre et, me concentrant, j’essayais de les enflammer. Hélas, elles étaient trop grosses et j’étais gelé moi aussi ; je ne réussis à en tirer que de la fumée. Comme nous étions partis depuis plusieurs semaines, il n’y avait que cendres et quelques charbons épars je n’arrivais à rien

« Je vais chercher du petit bois, Maître... »
« Allez ! Pousses-toi ! On ne va pas y passer la soirée ! »

            En un clin d’œil, la fumée se transforma en grandes flammes rouge sombre puis la couleur s’éclaircit pour devenir plus naturelle.

« Puisque tu n’es pas capable de te servir correctement de la magie, tu n’as qu’à utiliser un balais ! Nettoie-moi cette pièce, il y a de la poussière partout. Je vais prendre un bain chaud, qu’on ne me dérange pas. Et quand tu auras finis, va me chercher à manger. »
« Bien, Maître. »

            Il tourna les talons et sorti du bureau pour rejoindre ses appartements adjacents. Je soufflais. J’enlevais ma cape trempée que je n’avais pas eu le temps d’ôter depuis notre arrivée et je la mis sur une chaise à coté du feu pour qu’elle puisse sécher. Je posais aussi mes chaussures à coté.
Au moins, j’étais au sec

            La vie d’un apprenti sorcier n’a rien de franchement amusant. Je crois avoir appris autant sur l’art du ménage que sur celui de la magie peut-être plus même ! Mon Maître, Werner Beike, n’est pas toujours aussi difficile à supporter qu’il l’est ce soir, il peut même se montrer parfois très attentionné, mais il est très lunatique et effroyablement imprévisible. Cela fait six ans que je suis son apprentie, depuis que je suis entrée au Collège Flamboyant.

            Je suis née à Nuln, en 2502. Mon père, Magnus van Baumer est un commerçant prospère, comme l’était avant lui son père et son grand-père. Ma famille a fait fortune dans le négoce des armes, et tout particulièrement des armes à feu, une spécialité locale. Ma mère, Bianka Schneider, venait également d’une famille de fabricants et de vendeurs d’armes. Un mariage de raison ; pourtant, pour autant que je saches, ils étaient vraiment heureux ensemble. Je suis la dernière d’une fratrie de six enfants et la seule fille. Ma mère est morte quand j’avais 4 ans, je m’en souviens très peu. Elle a été emportée ainsi que deux de mes frères lors d’une épidémie de choléra.

            Ma grand-mère paternelle, Keterlyn, s’est alors installée chez nous pour s’occuper de nous. À coté d’elle, mon Maître Werner est presque un ange. Étant la plus jeune et l’unique fille, j’étais habituée à mener mon monde selon mes caprices. Ma grand-mère était très stricte et le changement fut rude. Elle était aussi très dévote et a passé sa vie en prières à Verena. Sa foi est néanmoins à l’origine d’une bonne part de mon éducation. Ainsi, j’ai passée de longues heures dans mon enfance à recopier dans des livres des prières que nous allions ensuite déposer au temple. C’est de cette façon que j’ai appris à lire et à écrire. Afin, d’orner ces lettres de prières, ma grand mère m’a aussi fait prendre des cours de dessin. Sans compter que ce genre d’activité artistique convient très bien à une jeune fille de bonne famille, surtout à Nuln, ville des artistes. J’avoue aussi que j’aimais beaucoup cela. Mon père qui n’était pas très présent à cause de son métier qui l’obligeait à beaucoup voyager, me rapportait toujours toutes sortes de pigments et de papiers fins et colorés. Il m’a toujours beaucoup gâtée. Parmi mes frères, les aînés, Walter et Albrecht ont suivi la tradition familiale en devenant commerçants. Les affaires familiales ont toujours été prospères, les temps se prêtent bien à ce genre de produits. Mon plus jeune frère, Eckhart, est parti à l’université de Altdorf pour apprendre la chimie, puis le droit, il est finalement devenu géographe : une profession qui lui permis de ne pas avoir à revenir à Nuln, puisqu’il n’avait aucune raison avec un métier pareil de travailler dans l’entreprise familiale. Il parcourt aujourd’hui le Vieux Monde, dressant des cartes des différentes contrées. En dehors de mon père et de moi, il a rompu toute relation avec les autres membres de la famille. Ses idées originales en ont fait pendant longtemps le mouton noir des van Baumer.

            Mais, c’est de moi qu’est finalement venu le « coup de grâce »,comme le dit si bien ma grand-mère.

            J’avais 13 ans lorsque mon entourage, avant que j’en ai véritablement conscience moi même, se rendit compte que j’avais des affinités avec la magie. Ce qui fut vécu à la fois comme une malédiction et un déshonneur par la plupart des membres de ma famille, la grande Keterlyn et mes frères ainés en tête. Mon père, pour sa part, n’était pas franchement ravi, « ...Mais c’est tout de même moins grave que le choléra ! ». La décision fut prise de m’envoyer très vite dans un Collège : pour mon père cela apparaissait comme la meilleure façon de me protéger et pour ma grand-mère la meilleure façon de m’éloigner

            On m’amena voir un homme très étrange, vêtu de blanc, avec des cheveux blonds platine et des yeux gris clairs, presque transparents. Je suppose que ma grand-mère avait insisté pour me conduire auprès d’un magistère lumineux, elle devait considérer cette magie plus noble que les autres

            Le hiérophante commença par me poser quelques questions : est-ce que je voyais parfois des lignes dans les airs ? De quelles couleurs étaient-elles ? D’ailleurs, quelle était ma couleur préférée ? Etc... Cela me sembla durer des heures et je finis par m’agacer. Finalement, il me demanda si je ne trouvais pas qu’il faisait chaud ici et comme je lui répondais par la négative, il mit fin à notre entretien.

« Je pense que votre fille a de bonne chance de devenir pyromancienne, dit-il à mon père. Vous devriez l’envoyer très vite auprès de l’ordre des Flamboyants, cela pourrait être dangereux de la garder chez vous ».

            La magie la plus vulgaire selon ma grand-mère, et la moins appréciée à Nuln où les stocks de poudres sont nombreux. La pire honte pour une famille de trafiquants d’armesEnviron un mois plus tard, je quittais la confortable maison familiale pour les tours effrayantes et une chambre poussiéreuse au Collège flamboyant à Altdorf, troquais mes cahiers de dessins pour des grimoires pesants et m’éloignais d’un père aimant pour un maître soupe au lait.

            L’apprentissage de la magie d’Aqshy est long et douloureux : cours magistraux, exercices mille fois répétés, duels. Mes condisciples ne sont pas très amicaux d’abord car je suis une fille, ce qui est rare parmi les sorciers et encore plus chez ceux de l’Ordre flamboyant qui se destinent majoritairement à devenir des sorciers combattants, ce qui ne semble guère approprié pour le sexe faible. Ensuite, en raison de la condition sociale de ma famille : venant d’une famille aisée, les dirigeants de l’ordre ont tout de suite vue le profit qu’ils pouvaient tirer de ma présence. Si on ne peut pas franchement parler de traitement de faveur, disons qu’au moins je profite de certains avantages qui m’attire quelques jalousies : je peux me rendre à Nuln, chaque année pour les fêtes de Verena – même si vu l’hostilité de ma grand-mère et de mes frères, je m’en passerais bien – et je peux sortir du Collège pour voir mon père et mon frère Eckhart lorsqu’ils sont de passage à Altdorf. Mon père m’envoie de la nourriture et toute sorte de cadeaux que je suis autorisée à garder. Surtout, j’ai été confié à Werner Beike, qui malgré son caractère est un excellent professeur.

            Mon maître était un sorcier combattant très puissant et respecté sur les champs de bataille. Hélas, il fut blessé lors d’une bataille contre des orcs et perdit une jambe. Affublé d’une jambe de bois et devenu inapte à mener le combat, il revint au siège de l’Ordre pour se consacrer à l’enseignement. Loin d’être amer, il se dévoua à cette nouvelle tâche avec passion. Je suis sa quatrième apprentie et la seconde fille. Pour lui, le sexe ne fait pas de différence et il est persuadé que bientôt de puissantes sorcières combattantes écumeront les champs de bataille. Il m’aide à travailler et m’impose de longues séances d’entraînement. Il m’encourage à avoir confiance en moi et à me surpasser chaque jour. Il est dur, mais le plus souvent il est juste alors je sais que j’ai de la chance.

            La vie que je mène aujourd’hui est à milles lieux de ce dont je rêvais petite fille et encore plus loin de ce à quoi aspiraient mes proches pour moi. Les dirigeants de mon Ordre souhaiteraient que je le serve en tant que magistère à Nuln, que je puisse devenir un relais dans cette cité-état où nous sommes assez mal venus. Moi, j’espère être un jour aussi douée et courageuse que mon maître et partir à l’aventure pour voir du pays.

            Depuis quelques mois, mon maître accepte des missions en dehors du collège et me laisse l’accompagner pour que je fasse mes preuves sur le terrain et que j’apprenne à réagir correctement face aux situations réelles. Il s’agit le plus souvent de missions d’escorte ou d’expédition chez les nains de Karaz-Azgaraz des talismans runiques puissants, comme les clefs que nous arborons à nos ceintures et qui sont les insignes de notre ordre.

            Notre dernière mission a été d’accompagner un noble de la cours impériale (dont j’ignorais l’identité) jusqu’à Marienburg. Tout s’est bien passé à l’aller, nous n’avons même pas croisé un loup
En revanche, au retour, notre diligence est tombée dans une embuscade de brigands. Nous avons pu les repousser sans peine (enfin, surtout mon maître) et nous échapper. Mais dans l’affrontement mon maître a cassé le brasero qui ornait son bâton, ce qui l’a mis dans une colère noire. Et pour couronner le tout, nous avons essuyé une averse glaciale, avant d’arriver à Altdorf.

            Bref, son humeur de ce soir est pour le moins compréhensible. Aussi, je me suis hâtée de nettoyer le bureau et d’aller chercher de quoi manger en cuisine. Lorsque j’expliquais à l’un des serviteurs la raison pour laquelle j’étais là si tard, et le courroux auquel je m’exposais – et lui avec moi – si je ne ramenais pas de quoi satisfaire mon maître, il parvint à me dénicher de la soupe de potiron, du pain, ainsi que deux beaux morceaux de rôti de porc. En entrant dans le bureau, avec un plateau bien chargé, je trouvais mon maître assis à sa table de travail et visiblement plus détendu et presque souriant.

« Ah ! très bien ! dit-il et comme je faisais mine de me retirer, tu n’as pas faim ? Viens, assieds-toi et prend en une part, il y en a assez pour deux. Il faut que je te parle. »

            J’allais chercher une chaise et je pris sans me faire prier le pain et la viande qu’il me tendait. J’étais affamée.

« Tu m’as impressionné, cet après-midi, avec ces brigands. Tu commences à bien te débrouiller, même s’il y a encore un peu de travail, ajouta-t-il en penchant la tête vers la cheminée. Il est temps que tu commences à voler de tes propres ailes sans que je sois toujours derrière toi. Et j’ai une idée pour une mission. Vu que mon bâton n’est plus utilisable, il m’en faut un autre. Je ne veux pas harmoniser n’importe quoi. Je devrais pouvoir trouver un bâton en bois de la Loren ici à Altdorf, mais j’aimerais que tu ailles voir Grundir mon ami forgeron à Karaz-Azgaraz pour le brasero. Je vais
lui envoyer un message dès demain et tu partiras d’ici quelques jours pour me le chercher. Il nous faut juste le temps de préparer ton voyage et de persuader le patriarche de t’écrire une lettre de laisser passer. J’ai confiance en toi, ne me déçois pas. »