À
Herrn Magnus Van Baumer
Handelbezirk
Nuln
Averheim, le 21 Sigmarzeit 2521
Mon très cher papa,
J’espérais dans ma dernière lettre
pouvoir bientôt t’envoyer de bonnes nouvelles, hélas, je n’en ai que de bien tristes.
Depuis mon arrivée, je n’ai réussi
à obtenir aucun renseignement sur le brave Herbert. Il semblait que personne
ici ne l’avait remarqué et nulle part je n’avais pu trouver un indice sur son
sort. Cela m’inquiétait de plus en plus et je redoutais une issue fatale à
cette histoire. Malheureusement, mes craintes ont fini par se vérifier et j’ai
découvert ce matin l’épilogue de cette disparition.
Je crois bien t’avoir parlé d’Adolphus Stark, ce marchand de tissus
que nous avons aidé lors de l’incendie criminel de sa péniche. Il se trouve
qu’il attendait une livraison de rouleaux de soie pour repartir de la ville. C’est
la Compagnie de la Flèche Rouge qui devait acheminer cette marchandise par la
route ; or, le chariot qui la transportait avait plusieurs jours de retard
et on était sans nouvelle depuis son passage, quatre jours auparavant, dans le
dernier relais sur la route avant Averheim.
Adolphus s’était enquit plusieurs
fois de l’arrivée de sa marchandise. Lorsque la direction de la Compagnie, en
la personne de Curd Weiss (que tu connais peut-être) lui dit qu’ils allaient engager
des personnes pour enquêter sur le chariot, notre ami proposa nos noms. Ainsi, Curd
Weiss vint nous offrir ce travail et nous avons accepté immédiatement car nous
avions bien besoin de changer d’air, nos autres enquêtes n’avançant pas et
l’atmosphère générale des docks se tendant de plus en plus. Mais c’est un autre
sujet et j’y reviendrai plus tard.
Ce matin, à huit heures précises,
nous voici donc devant le dépôt de la Compagnie de la Flèche rouge ; Curd
Weiss nous explique que le dernier relais se trouve à 4 heures de cheval
d’Averheim et que donc nous devons remonter la route à la recherche du moindre indice.
L’équipage comprenait un cocher et un garde. Le chariot avait forcément eu un
problème sur ce tronçon, avant de disparaître.
Aux portes de la cité, nous nous
sommes retrouvés face à un grand flux de marchands, de maraîchers et d’agriculteurs
et autres petits artisans arrivant en ville pour y vendre leurs productions ou
leurs talents. Nous en avons profité pour en interroger quelques-uns, au cas où
ils auraient remarqué quelque chose d’inhabituel. Un des commerçants nous dit
avoir vu des traces de roues quittant la route pour s’enfoncer dans la forêt à
une courte distance de la ville. Moins d’une demi-heure plus tard nous pouvions
effectivement observer des ornières sur le bas-côté de la voie. Elles n’étaient
pas très fraiches mais tout de même récentes. L’écartement des roues pouvait bien
correspondre à un chariot. Nous avons donc suivi cette piste à travers les bois
et jusqu’à une petite clairière au centre de laquelle plusieurs personnes
avaient installé un campement. Nous sommes restés un instant à observer à la
lisière. Un peu à l’écart des tentes, on voyait les restes de plusieurs
charrettes éventrées et ce qui ressemblait à des corps étendus au sol.
Lars ou Klueber – je ne sais plus
– reconnut des hommes-bêtes, ces sales créatures du chaos ! Ils étaient
six, assis ou debout autour d’un feu, certains avec des lambeaux de vêtements
et d’autres nus, laissant paraître leurs peaux grisâtres ou sombres.
Il était évident que nous avions trouvé nos bandits de grand chemin
et il était peu probable que nous puissions entamer un quelconque dialogue avec
cette engeance. Il nous parut plus judicieux de profiter de l’avantage que nous
conférait l’effet de surprise. Klueber arma son arbalète, Lars chargea son
pistolet et je me mis à focaliser mon énergie ; c’est un carreau, des
balles et la plus grosse boule de feu que je sois capable de former qui
s’abattirent presque simultanément sur le campement, alors que Grunilda
commençait à charger, le marteau en avant. Je t’épargne les détails, mais la
lutte fut rude. Cette horde maudite semblait avoir pour chef un colosse, moitié
homme, moitié taureau qui poussait des hurlements terribles. Grunilda est
parvenue à lui tenir tête, elle a même finit par le terrasser mais elle y a
gagné quelques blessures. S’il s’en était pris à n’importe lequel de nous autre
dans le groupe, il nous aurait certainement massacrés. Les autres se montrèrent
moins coriaces et nous en vînmes à bout sans trop y laisser de plumes. De mon
côté, j’ai usé de sorts aussi puissants que possible et cela m’a complètement
épuisées. A la fin, je tremblai comme une feuille et j’ai mis du temps à
retrouver mes esprits.
Une fois débarrassés de ses
immondes occupants, nous avons entrepris la fouille du camp. Les tentes étaient
vides et puaient le fauve. Du coté des chariots détruits, nous avons trouvé un
véhicule aux couleurs de la Compagnie de la Flèche Rouge. Il y avait encore les
rouleaux de tissus à l’intérieur, ils n’étaient même pas abîmés, Adolphus a eu
de la chance ! Il y avait ensuite plusieurs petits barils de poudre en
provenance de Nuln, dont plusieurs à notre nom. J’ai préféré prendre ces
derniers avec moi ; dis-moi ce que tu veux que j’en fasse. Enfin, nous
avons aussi trouvé deux bouteilles de vin de Bretonnie que nous avons gardé ; cette mission ne devrait nous rapporter que
cinq pistoles d’argent chacun, alors, vu les risques que nous avons pris, nous
avons bien mérité ce petit bonus.
A côté des chariots, c’est une
découverte bien plus macabre qui nous attendait. Il y avait les cadavres du
cocher et du garde de la Compagnie. Enfin, un peu à l’écart encore, nous avons aperçu
les restes d’un corps en état de décomposition beaucoup plus avancé. L’homme
était méconnaissable, mais il avait à peu près la taille et la corpulence d’Herbert.
Il portait des vêtements de voyage et une sacoche dans laquelle j’ai trouvé des
papiers à ton nom et une lettre de recommandation signée de ta main.
Nous avons enterré les corps, par
Morr et Shallyah, puissent ces pauvres âmes trouver la paix, et nous avons
brûlé les cadavres de leurs assassins.
A notre retour, nous sommes passés
à la Compagnie de la Flèche Rouge. Curd Weiss était absent, mais avait laissé
des instructions à notre attention. Nous devrions le voir demain matin.
Nous sommes ensuite allés à
l’auberge du Cheval blanc pour manger et nous détendre un peu. Grunilda est
immédiatement partie se reposer, tandis que les gars et moi partions à la
recherche de maître Mauer, avec une des bouteilles de Bretonnie pour faire la
paix. Nous avions en effet besoin de lui parler des derniers évènements survenus
sur les docks.
Hier, après que je t’ai envoyé ma lettre, nous avons eu de nouvelles
surprises. Tout d’abord, nous avons appris la disparition d’Ute, une petite
orpheline qui mendiait en jouant de la vielle devant l’auberge du Cheval Blanc.
Tout le petit monde des quais, dockers, commerçants, artisans et mendiants,
veillait sur elle et sa disparition certainement au cours de la nuit précédente
a provoqué un bel émoi. Evidemment, dans ce genre de situation, on accuse en
premier les étrangers, donc autant te dire que nous ne sommes pas très bien vus
en ce moment. Par ailleurs, la guéguerre entre les deux bandes rivales du port,
les « Poissons » et les « Rats des quais » est en train de
sérieusement s’envenimer. Ils se reprochent mutuellement d’avoir fait du mal à
la petite et les bagarres sont de plus en plus sanglantes. Nous avons porté
assistance à un « Poisson » qui s’était fait salement amocher par
deux « Rats des quais ». Nous l’avons ramené auprès des siens et nous
avons pu ainsi discuter un peu avec leur chef. Je crois que nous avons gagné
des points, mais notre cote reste très basse ! Nous avons de plus en plus
d’ennemis dans ce coin : hommes du nouveau caïd qui doit commencer à
entendre un peu trop parler de nous, maintenant les dockers qui ne nous font
pas confiance et surtout les « Rats des quais ». Pas plus tard que ce
matin, Klueber et moi avons trouvé un de nos chevaux décapité sur le pont de
notre péniche.
Un avertissement, c’est sûr...
mais de qui ?
Nous avons entrepris d’enquêter
sur la disparation d’Ute, un peu pour nous disculper, face aux accusations des
dockers et un peu aussi par inquiétude quant au sort de la gamine. Elle n’a
plus donné signe de vie depuis la nuit du 19 au 20. C’est une nuit pendant
laquelle il a beaucoup plu, comme lors de la disparition de l’oncle Jürgen.
C’est également au cours de cette nuit que le second racketteur a été
tué ; nous avons immédiatement pensé que la petite avait pu assister à une
scène compromettante, au mauvais endroit au mauvais moment !
Nous avons commencé par inspecter
sa cabane qui se trouve dans une ruelle derrière l’auberge. Il n’y avait rien
de visible, probablement à cause de la pluie et d’autres étaient venus la
chercher ici avant nous et avaient piétiné toute la scène.
Pendant mon apprentissage j’ai appris à détecter la magie dans mon
environnement, même lorsqu’il ne s’agit pas du vent d’Aqshy, je peux la
ressentir. J’ai essayé de vérifier s’il y avait quelque chose d’anormal dans
cette rue et au sol, dans les flaques d’eau, j’ai perçu les traces résiduelles
d’une magie corrompue. Cela ressemblait fortement à ce que j’avais ressenti
chez le nécromancien d’Ubersreik lorsque je m’étais approchée de cette pierre infecte
que l’on nomme fort à propos malepierre ;
je fus immédiatement saisie de nausées et j’ai eu si mal à la tête que mes yeux
me brûlaient. J’ai tenté de suivre la piste de ce maléfice, mais la douleur
était trop forte et j’ai dû renoncer.
Afin de continuer notre enquête,
nous nous sommes rendus au Porc-Debout. Là nous avons trouvé le pickpocket qui
s’en était pris à la bourse de Klueber il y a quelques jours. Comme nous
pensions bien avoir un léger ascendant sur lui, nous en avons profité pour
l’interroger. Il ne savait rien de précis sur Ute, en revanche, il nous a
appris quelques informations sur le nouveau caïd. Celui-ci se ferait appeler la
« Cagoule noire » et il serait arrivé quelques semaines auparavant.
D’après notre petit voleur, il ne serait certainement pas étranger à la
disparition de Ute, car ici tout le monde veillait sur elle et qui d’autre
aurait pu lui faire du mal.
Après avoir vu les blessures des
deux racketteurs tués sur les docks, nous commencions à soupçonner de plus en
plus quelques affaires de sorcellerie derrière tous ces problèmes. Les traces
de magie près de la cabane de la gamine tendent à confirmer notre hypothèse. Cette
« Cagoule » est certainement un homme très dangereux et il fricote
avec une magie malsaine et funeste. C’est pour cette raison que nous sommes
retournés voir Maitre Mauer peu après notre retour en ville, car nous ne
pouvons guère faire l’économie d’un allié comme lui.
Nous n’avons pas eu trop de
difficultés pour trouver sa maison, dans les quartiers prospères du
centre-ville. A l’inverse de ce que je craignais, le maître lumineux n’a pas
été réticent à nous recevoir. Des excuses et la bouteille de vin ont suffi à le
radoucir. Nous lui avons exposé nos dernières découvertes et nos soupçons. Le
mage ne semble guère préoccupé par le sort des pauvres gens qui ont disparu, sa
splendeur n’a que faire du petit peuple et il a certainement l’habitude
d’évoluer dans d’autres sphères. Il nous a écoutés cependant. Le terme de
malepierre lui a même fait lever un sourcil ! Je crois qu’il nous a pris
un peu plus au sérieux que lors de notre première entrevue. Nous n’avons pas
appris grand-chose, mais la conversation a été polie et même, par moment,
détendue. Cela pourra toujours nous servir un jour...
Ce soir, nous allons essayer de
retourner discuter avec les dockers, il nous faut réussir à regagner un peu de
leur confiance. Nous allons aussi essayer de trouver un prêteur nommé Stanislas ;
c’est lui qui a repris les affaires de Klaus Keller, le premier rançonneur
éliminé par la « Cagoule » et c’est notre seul lien connu avec lui.
Encore une fois, je te conseille
d’éviter tout commerce avec cette ville. C’est beaucoup trop dangereux ;
il y a des créatures du chaos qui attaquent les péniches sur l’Aver et d’autres
s’en prennent aux chariots sur la route. Et le désordre règne autant à
l’extérieur qu’à l’intérieur.
Je suis vraiment désolée du sort
de ce pauvre Herbert, mais il ne faudrait pas qu’un tel malheur touche d’autres
personnes de notre entourage. Aussi, gardes toi bien d’envoyer qui que ce soit
ici. Ne t’inquiète pas pour moi, je fais attention et je ne prends que des
risques mesurés. Je m’occupe de te faire parvenir tes carnets dès que je les
aurais récupérés et j’attends tes instructions pour les barils de poudre.
Prend bien soin de toi.
Je t’embrasse
Ta fille bien aimée Hannah.
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