mercredi 6 juillet 2016

Retour à Ubersreik


JOURNAL DE H. VAN BAUMER
Ubersreik, le 4 Vorgeheim 2521

Nous sommes arrivés avant hier soir à Ubersreik et pour nous accueillir, Morrslieb était de retour, baignant la ville dans un infect brouillard verdâtre. Un présage peu engageant...

Comme lors de notre premier passage, nous nous sommes installés à l’auberge de la Lune Rouge. Au petit déjeuner, hier matin, évidemment il y avait les « excellentes saucisses de monsieur Fletcher ». Nous les avons soigneusement décortiquées et écrasées triant les petits bouts de viande et de gras, cherchant le moindre élément de couleur suspecte. Heureusement il n’y avait rien de tel. Nous en profitâmes pour demander à la serveuse des nouvelles de notre ami boucher : « oh ! vous le connaissiez ? c’est bien triste... il ne s’est jamais remis de la disparition de sa fille, vous savez. Il a traîné lamentablement pendant des mois et voici quelques semaines, on l’a retrouvé pendu chez lui. Ses boutiques ont été reprises par ses employés... au moins, nous pouvons toujours trouver ses excellentes saucisses ».
Pauvre homme ! Je ne crois vraiment pas qu’il méritait tous ces malheurs. C’est bien triste et franchement injuste. J’espère au moins que sa fille va bien... enfin autant que possible.

Nous finîmes notre repas rapidement et sans rien rajouter de plus. Il n’y avait pas grand-chose à dire de toute façon.
Notre première visite fut réservée à Lord Rickard von Aschaffenberg. Au manoir, c’est notre vieux comparse Hendrick qui nous accueillit avec un grand sourire. C’est agréable de revoir une tête amicale. Il nous fit traverser des couloirs interminables encombrés par une foule de serviteurs portant des montagnes de vêtements.
Lord Rickard, plus corpulent et jovial que jamais, nous retrouva dans un cabinet tout en boiseries précieuses, lourdes tentures et meubles délicats. Nous étions assez tendus dans ce décor opulent, c’est autrement plus impressionnant que le pavillon de Grünewald. La famille Aschaffenberg appartient clairement à la plus haute noblesse de notre Empire ; c’est un honneur et une chance de pouvoir compter sur un tel... protecteur. Je pense que le comte saisit notre trouble et essaya de nous mettre à l’aise en nous demandant de nos nouvelles comme si cela l’intéressait vraiment... Ceci dit, c’est peut-être le cas, c’est un homme très affable malgré sa position. Enfin, je ne sais trop qu’en penser !
Peu importe... il finit par nous expliquer que le problème pour lequel il avait besoin de nous concernait la vie politique de la cité. Ubersreik est une ville franche, mais cette situation n’est plus aussi avantageuse qu’elle pouvait l’être autrefois et, dans les temps chaotiques que nous traversons, un rattachement au Reikland, et donc à l’Empire, est de plus en plus d’actualité. Tout cela, nous le savions déjà, il en était déjà question lors de notre précédent séjour ici et même si nous n’avions pas spécialement prêté attention à ces histoires, il était difficile de les ignorer. Une question demeure et occupe tous les esprits ici : qui dirigera la ville ? C’est un poste important et les prétendants ne manquent pas. Evidemment, Lord Rickard est l’un d’eux et, si on en croit la rumeur, il est même très bien placé. Pourtant d’autres sont des concurrents très sérieux.
Il y a tout d’abord Manfred von Holzenauer qui appartient à la famille du comte électeur du Stirland. Nous nous sommes renseignés dans les archives de Verena après notre entrevue ; les Holzenauer sont une famille de vieille noblesse, mais sans terre – ils les ont perdues il y a des siècles au cour des guerres vampiriques – et, aussi, sans argent car, comme nous l’avons appris plus tard, l’actuel baron a de grosses dettes de jeu. C’est cependant un vétéran et c’est un atout par les temps qui courent. Siegfried von Saponatheim est aussi un rival de poids, même s’il n’est pas plus originaire de la ville que les Holzenauer. C’est une des plus riches familles de Boghenhafen qui serait visiblement liée à des guildes marchandes. Enfin, il y a Heissman von Bruner, qui est de la belle-famille même de Lord Rickard - c’est un cousin de son épouse Ludmilla. Là encore il s’agit d’une vieille famille de la noblesse dont plusieurs membres ont même servi directement l’Empereur. Toutefois, les rejetons douteux, comme celui qui avait disparu à Grünewald et les rumeurs persistantes sur des liens avec des sectes occultes ont grandement terni la réputation des von Bruner et, bien que Heissman lui-même paraisse irréprochable, l’affaire est très mal engagée pour lui.
Après avoir longuement exposé la situation politique, Lord Rickard expliqua qu’un bal masqué allait avoir lieu dans quelques jours chez le baron von Holzenauer. Tout le gratin d’Ubersreik serait présent, les grandes familles nobles, les représentants des cultes, des guildes et des autorités, sans compter quelques invités de marque de passage dans la cité. Je sais que ce genre de réjouissances revêt généralement une dimension politique, pour être plus exacte, je l’ai entendu dire. Cela fait partie des mœurs dans la haute société... Tous les prétendants à la future direction de la ville sont évidemment invités et cet événement pourrait s’avérer déterminant pour les départager. Il faudrait donc y faire bonne figure.
Le comte souhaitait donc que nous soyons présents afin d’assurer discrètement la sécurité et surtout de faire en sorte que rien ne dérape.
Il nous envoya chez son couturier personnel afin que nous ne dépareillions pas trop dans cette assemblée. J’en ai profité pour me faire tailler une nouvelle chasuble, dans de beaux tissus rouges, jaunes et oranges. Je pourrais ressortir mes belles bottes et avec un jupon et une chemise neufs, cela devrait faire l’affaire. Inutile de chercher à faire plus sophistiqué, je ne suis pas de ce monde, je n’arriverais qu’à me ridiculiser, donc autant me présenter dans une tenue de mage flamboyant, c’est la seule façon d’être à mon avantage.

Nous avons passé beaucoup de temps chez cet artisan qui nous prenait un peu de haut, mais comme nous venions de la part du Comte, il essaya de se contenir. Sur la fin, nous en avons même rajouté un peu, mais il n’y eu pas moyen de lui faire perdre son flegme.
Après ça, nous décidâmes de faire un petit tour au temple de Verena, comme je l’ai dit, nous espérions trouver quelques renseignements sur les familles des nobles en lice pour la direction de la ville. J’ai déjà exposé les rares résultats de nos recherches. Ensuite, nous avons voulu nous rendre à l’hospice de Shallya, espérant retrouver les prêtres qui avaient accompagné Anna Fletcher et que nous avions dû quitter aux portes d’Hugeldal. Nous avons été reçus par une nouvelle responsable et elle nous dit n’avoir aucune idée de ce qu’étaient devenus les frères et sœurs qui étaient partis à ce moment-là. Elle était arrivée depuis peu et ne connaissait rien de cette histoire. Cette absence de nouvelles nous inquiéta. Qui sait quelle mauvaise rencontre ont pu faire nos compagnons ? Les alentours d’Hugeldal n’étaient vraiment pas sûrs. Et pauvre Anna...

Nous avons ensuite été trainer autour de chez le docteur Narnscabber. La maison était fermée, le jardinet rempli d’herbe folle et plusieurs lourdes planches avaient été clouées sur les portes. Un voisin nous apprit qu’il n’avait pas vu le docteur depuis des mois mais qu’un homme d’une quarantaine d’années, avec de rares cheveux grisonnants mais de gros favoris, était venu il y a cinq ou six semaines, avait chargé une charrette avec des choses de la maison, mais il n’avait pas vu exactement quoi. Puis, une fois la charrette pleine, il avait cloué les portes avant de partir. Il n’avait aucune idée de qui pouvait être cet homme, il ne l’avait jamais vu et tout ce qu’il put rajouter c’est qu’il boitait un peu.
Où pouvions-nous trouver des informations sur un nécromancien ?
Nos pas nous conduisirent vers les jardins de Morr. Le prêtre reconnu notre petit groupe et ne s’étonna pas trop de nos questions étranges. Oui, il y avait eu de nouvelles profanations depuis notre dernière visite. Il y a environ un mois et demi, en une seule nuit, une dizaine de tombes ont été vidées de leur « contenu ». Mais plus rien ne s’était passé depuis. Cette profanation correspond à peu près à l’époque où la maison de Narnscabber aurait été visitée.
Nous lui demandâmes s’il y avait eu des décès bizarres ces derniers temps dans la ville. Le sombre prêtre sembla réfléchir un moment puis nous raconta un sordide drame familial qui remontait à peine à quelques jours. Un père de famille, apparemment sans histoire, avait tué un soir sa femme et ses enfants à coups de couteaux. Alertés par les cris, les voisins ont prévenu la garde et en arrivant les soldats ont trouvé le coupable, au milieu du sang des siens, un vrai carnage et lui en train d’essayer de se couper la jambe, il hurlait certainement de douleur mais aussi semble-t-il de terreur et dans son délire il parlait de tentacules. Il était tellement amoché qu’il fut conduit directement chez Shallya. Il n’est même pas sûr qu’il parvienne à survivre jusqu’à son exécution.

Il était déjà tard quand nous sommes retournés à l’auberge pour déjeuner. Nous avons écouté les conversations autour de nous. Il n’était question que du bal masqué et du futur dirigeant de la ville. Nous avons réussi à discuter avec l’aubergiste. Il était au courant de l’affaire du père de famille mais ne nous apprit rien de plus. Pas grand-chose d’autre à signaler. Il n’y avait plus de fantômes sans tête qui se baladait en ville, plus de disparition depuis celle de la fille du brave monsieur Fletcher. Ah si ! Une histoire ridicule d’un ratier qui disait s’être fait attaquer par une horde de rats sur les docks. Il était dans un sale état quand on l’a retrouvé et son chien avait été tué. « Il a même dit qu’un rat géant menait les autres vermines ! une belle cuite si vous voulez mon avis ! et il s’est certainement battu avec quelques autres ivrognes de son espèce. Voilà tout ».
L’aubergiste avait peut-être raison, mais les rats géants ne nous font plus vraiment rire depuis notre rencontre avec les skaven d’Averheim. Une petite enquête sur les docks, où l’agression avait eu lieu, semblait s’imposer. Hélas, nous ne trouvâmes rien, aucune rumeur supplémentaire sur des rats.

Sur les quais, nous croisâmes des gardes. Nous essayâmes de discuter des rats mais ils ne firent que nous rire au nez. Comme ils semblaient d’humeur plutôt loquace – je pense qu’ils avaient dû faire un petit détour par une taverne – nous en profitâmes pour engager la conversation, parlant de choses et d’autres. En revanche, je ne sais trop quelle idée stupide nous traversa l’esprit, mais nous évoquâmes le docteur Narnscabber et ils réagirent de manière assez inattendue en envoyant l’un d’eux dans la maison pour l’inspecter. Et ce qu’il y découvrit aurait pu nous couter très cher... En effet, le soldat tomba sur six cadavres en état de décomposition avancée, couverts de terre et fit immédiatement le rapprochement avec les tombes profanées au jardin de Morr. Nous dûmes expliquer qu’à l’époque de cet profanation nous n’étions pas dans la ville, mais à Averheim. Nous étions revenus à Ubersreik seulement la veille à la demande du Comte von Aschaffenberg qui était un de nos employeurs réguliers. Le chef des gardes sembla nous croire et nous dit qu’il allait envoyer des gens de Sigmar pour purifier la maison. Il ajouta que nous ferions mieux de ne pas faire de vague pendant notre séjour ici, qu’il nous avait à l’œil. Finalement, nous avons eu de la chance de nous en sortir aussi facilement.
Au final, nous n’avons rien appris sur les quelques évènements bizarres survenus dans la ville pendant notre absence. Un complice de Narnscabber a dû revenir pour finir ses sales besognes, mais il semble peu probable que nous puissions en apprendre plus.
Je pense que nous allons suivre le conseil du garde et rester tranquillement à l’auberge jusqu’au bal qui aura lieu dans trois jours.

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