À
Maître Werner Beike
Collège
Flamboyant
Altdorf
Karak-Azgaraz, le Marktag 2 Pflugzeit 2521
Mon bien cher maître,
Voilà plusieurs jours que nous
avons atteint Karak Azgaraz, la grandiose citadelle des nains.
J’ai bien récupéré le paquet que
vous m’avez adressé ici et qui m’a attendu certainement plus longtemps que
prévu… Je suis extrêmement fière et flattée de la
confiance que les magisters et vous m’avez accordée et je ferais tout pour m’en
montrer digne. J’ai immédiatement ceint la chaîne d’acolyte et je ne la quitte
plus que pour dormir !
Je vous ai envoyé au lendemain de
notre arrivée, la lettre que j’avais réussi à écrire aux rares moments calmes
de notre fuite depuis Hugeldal. Je pensais pouvoir compléter ce récit
rapidement, mais hélas j’ai dû prendre quelques jours de repos pour soigner ma
blessure au bras et la douleur m’a encore empêchée de tenir une plume jusqu’à
aujourd’hui. Par conséquent, je vous prie d’excuser mon écriture un peu mal
assurée et il me faudra certainement plusieurs jours pour écrire cette lettre
car la plaie me fait encore souffrir.
Je vous ai raconté comment le
docteur Verfullen avait tailladé mon bras avec sa lame, lors de son attaque à
l’auberge d’Hugeldal. Je n’ai pas pu me faire soigner correctement et l’état de
la blessure n’a fait qu’empirer pendant notre voyage dans les Montagnes Grises.
Surtout, j’ai commencé à m’inquiéter en repensant aux expériences auxquelles se
livrait le docteur et aux personnes peu recommandables qu’il fréquentait. Je suis
persuadée aujourd’hui que sa lame était empoisonnée. Dès le lendemain de notre
arrivée (nous sommes entrés dans la forteresse en fin de journée), j’ai été me
faire soigner à l’infirmerie. La naine qui s’est occupée de moi n’a pas fait
dans la douceur. D’ailleurs, la souffrance m’a fait très vite perdre connaissance
et j’ai dormi tout le reste de la journée.
Lorsque j’ai repris mes esprits et que Grunilda m’a aidé à enlever mon
bandage pour passer l’onguent que l’infirmière nous avait donné, j’ai constaté
avec horreur qu’il me manque désormais une bonne partie des muscles de
l’avant-bras. La plaie était très infectée et l’infirmière avait dû enlever
toutes les chairs corrompues. La bonne nouvelle c’est que visiblement ce remède
radical a fonctionné. Je retrouve petit à petit l’usage de ma main et grâce aux
onguents la douleur est moins cuisante et la cicatrisation est déjà en bonne
voie.
Enfin, pour être tout à fait
honnête, je préfère avoir perdu une partie du bras, tant que la moindre trace de
corruption a été arrachée. J’ai vu les transformations horribles que cette
magie pouvait occasionner. Cette idée m’a beaucoup affectée et j’en ai fait
d’affreux cauchemars ! Au fond, je suis donc soulagée, de m’en sortir à si
bon compte.
Il nous a fallu quatre jours et trois nuits pour rejoindre la cité naine après
avoir échappé au saccage d’Hugeldal. Comme nous nous élevions sur la route des
montagnes, nous avons pu voir la cité en proie aux flammes.
La première nuit, alors que nous
n’avions parcouru que quelques milles, nous avons réussi à trouver un petit
surplomb pour passer la nuit. Il est bien connu que ces montagnes sont
infestées de gobelins, aussi nous avions prévus des tours de garde et peu avant
l’aube, ce ne sont pas des peaux vertes, mais un petit détachement de
répurgateurs et de chasseurs de sorcières que nous avons aperçu au loin. Nous
avons donc très rapidement repris la route.
Un peu plus loin dans la matinée
nous sommes arrivés à proximité d’un petit fort d’où montait une colonne de
fumée noire. Klueber est parti en éclaireur. Pour la discrétion, on
repassera : nous entendions des branches se casser et des pierres rouler… il faut dire que nous étions tous épuisés et il est difficile ne
serait-ce que de garder l’équilibre dans ces conditions. Nous le vîmes revenir
assez vite : le fort avait été attaqué, ses occupants, des soldats aux
armes d’Ubersreik, avaient tous été massacrés et tous les bâtiments étaient
saccagés ou brûlés. L’assaut avait dû se dérouler plusieurs jours avant notre
venue. La porte avait été défoncée, certainement par une bête monstrueuse. Il
ne restait plus âme qui vive, à part quelques charognards en train de se repaître
des cadavres et qui s’envolaient à notre passage. Nous avons préféré ne pas
trop traîner là et nous avons repris la route.
A la tombée de la nuit, nous
étions épuisés et la perspective d’une deuxième nuit à la belle étoile ne nous
réjouissait guère. Il fait tellement froid dans ces montagnes et on s’y sent si
peu en sécurité…
Alors que nous n’y voyions plus
rien, Grunilda parvint à distinguer un fortin d’architecture naine un peu plus
loin sur la route.
Une grande porte en pierre barrait
l’entrée. Très discrète, nous serions certainement passés à côté si Grunilda ne
l’avait pas repéré. On pouvait distinguer quelques meurtrières, mais aucune
lumière ne filtrait. Nous frappâmes mais personne ne vint, alors nous poussâmes
les lourds battants et la porte s’ouvrit sans difficulté. Il s’agissait d’un
hall, d’assez grande taille, creusé dans la montagne. Grunilda nous le décrivit
car nous n’osions pas allumer de torche de peur d’être repérés depuis l’extérieur.
Il y avait de la mousse aux murs, de la poussière au sol et des infiltrations d’humidité.
L’endroit semblait abandonné depuis un bon moment. Il y avait une seconde porte
qui s’ouvrit aussi facilement que la première. Elle amenait à un escalier.
Evidemment, comme nous ne voyons rien, seule Grunilda descendit et arriva dans
une salle qui comportait trois nouvelles portes. Elle ne décela aucune trace
d’activité ou d’une présence récente. Nous n’avions ni le courage ni la force de
nous lancer dans l’exploration. Aussi, nous nous sommes installés dans le hall,
avec les chevaux, et nous avons barricadé les deux portes. Nous n’étions pas
trop mal, il faisait moins froid que dehors, même si nous rêvions tous d’un bon
feu, mais cela nous paraissait trop risqué. Nous avions prévu de faire des
tours de garde, mais nous nous sommes endormis et c’est la lumière du jour qui
nous a tous réveillés…
Finalement, cette nuit nous fit le
plus grand bien. Nous avons un peu mangé puis nous avons décidé de visiter
l’ensemble du fortin. Nous descendîmes les escaliers et entrâmes dans chaque
pièce. Le lieu se révéla bel et bien abandonné. Les occupants avaient pris
toutes leurs affaires, leurs provisions ; il ne restait plus rien. La
seule anomalie que nous repérâmes était un petit tunnel qui débouchait dans le
cellier et qui s’enfonçait profondément dans la montagne. Il s’en dégageait une
mauvaise odeur et nous n’avons pas eu le courage (ni l’envie) d’aller y fourrer
notre nez…
Nous sommes donc repartis à
travers les Montagnes Grises, qui portent fort bien leur nom. Autour de nous,
le paysage était complètement désolé. A cette altitude, il n’y avait que des
rochers, de l’herbe rase et quelques arbustes rabougris. On voyait encore des nappes de neiges, de ci de là, dans les creux du
relief.
Nous avons eu de la chance car il
n’a pas plu durant tout notre périple. A midi, nous avons décidé de faire un feu :
nous avions besoin de manger au moins un repas chaud. En revanche, le soir nous
ne trouvâmes aucun abri et afin de ne pas attirer l’attention des sales
créatures qui peuplent ces montagnes nous n’allumâmes pas de feu. Cette nuit
fut certainement la pire : nous avons eu très froid, j’avais de mon côté
de plus en plus mal au bras et nous commencions à vraiment nous décourager. Toutefois,
la nuit se passa sans encombre.
Tout comme la journée suivante,
d’ailleurs. Nous nous arrêtâmes pour manger et nous fîmes un feu. La route
commençait à s’élargir et elle semblait mieux entretenue, avec de plus en plus
de sections pavées.
En fin d’après-midi, la route nous
conduisit au-delà d’un col dans une nouvelle gorge. Et, au milieu de celle-ci,
se dressait une immense porte gardée par deux gigantesques statues de
nains : Grungni et Grimni, selon Grunilda. Cet ensemble fermait
complètement la gorge, je n’avais jamais rien vu de tel. Quelle architecture
impressionnante ! Les murs d’Altdorf font bien pâle figure, à côté !
Je ne saurais expliquer à quel
point cette vision majestueuse nous transporta de joie : nous avions enfin
atteint Karak Azgaraz et nous allions enfin pouvoir être en sécurité. Le
dernier mille fut interminable. A côté de ces portes monumentales, une route
plus étroite menait à une porte d’assez belle taille, mais sans comparaison
avec les autres.
Lorsque nous frappâmes un garde arriva
immédiatement et ouvrit une petite trappe pour nous interroger. Nous lui expliquâmes ce qui nous amenait et je
lui montrais mon laisser-passer ; il nous fit entrer sans plus de
question. Nous n’avions pas la peau verte, je pense que cela suffisait… nous passâmes à travers une chicane puis nous pénétrâmes dans une
sorte de grande vallée intérieure avec de petits champs, des pâturages et des
fermettes entourant un grand lac sur lequel la voie devenue majestueuse mène à
l’entrée de la Cité. Enfin, nous avons atteint la ville, installée au cœur
d’une montagne.
Vous devez bien connaitre tout
cela, puisque vous êtes déjà venu ici. Mais, c’est un tel plaisir pour les
yeux, cet endroit est si impressionnant !
Nous avons croisé des nains et des
humains plus nombreux que je ne l’aurais cru. D’ailleurs, l’auberge dans
laquelle nous nous sommes installés est tenue par un humain. Les chambres sont
certainement les plus confortables où j’ai pu dormir jusqu’ici. Il y a de l’eau
courante et chaude disponible dans les chambres ! C’est un vrai
bonheur ! Et le cuisinier est un Halfelin : les repas sont véritablement
succulents !
Karak-Azgaraz, le Bezahltag 4 Pflugzeit 2521
Comme je le craignais, l’écriture
me fatigue très vite. Je dois donc m’y reprendre à plusieurs fois pour terminer
mon récit. Mais il faut que je persévère car je pense que c’est bon pour moi
d’exercer ma main et que cela m’aidera à guérir plus vite. Je vais d’ailleurs
commencer à remplir le nouveau grimoire que vous m’avez offert. Il est vraiment
très beau, je suis sûre que c’est vous qui l’avait choisi car j’ai reconnu le
papier, bien épais et très blanc, qui est fabriqué à Nuln. Je sais que vous l’appréciez
autant que moi, vous m’en réclamez tous les ans quand je rentre chez mon père
pour les fêtes de Verena. Le cuir de la couverture a un grain magnifique et il
est très doux au toucher et quel beau rouge ! Le fermoir et les renforts
d’angles en argent ressortent très bien dessus et la gravure est très fine.
Vraiment je vous remercie !
J’ai dû racheter de l’encre et de
nouvelles plumes, mais Karak Azgaraz est une ville extraordinaire et on y trouve
tout ce qu’on peut chercher.
Je dois consigner ce que j’ai pu
apprendre au cours de ce voyage : les créatures et les adversaires que
nous avons rencontrés ; ce que j’ai appris de la détestable magie du Chaos
et de la nécromancie et surtout de la manière dont ces déments se battent. J’en
ai pour de longues heures de travail, mais je sais que c’est important et cela
me permet de mettre à profit ma convalescence. Nous allons être bloqués ici
pendant quelques temps : je ne peux pas repartir avec un bras dans cet état et
Grunilda souffre encore beaucoup de sa jambe cassée. Mais, je me plais bien dans
cette cité souterraine et je ne vais
certainement pas me plaindre.
Lars et Klueber disparaissent
presque toute la journée : Lars a acheté un pistolet – ou une arme de ce
genre, je n’y connais pas grand-chose – et il apprend à s’en servir. Quant à
Klueber… eh bien, je ne sais pas trop !
Grunilda a entrepris de faire des
recherches sur le clan Kurgansson. Cela mérite quelques explications car je ne
crois pas avoir évoqué ce sujet lorsque je vous ai raconté notre séjour chez Lord
Rickard Aschaffenberg. Parmi ses serviteurs, sur le domaine, se trouvait un
nain du nom de Korden. Il était forgeron. Au cours de la première attaque des
hommes-bêtes, il avait été gravement blessé et il était mourant à notre
arrivée. Grunilda avait passé un peu de temps avec lui, émue par son état. Il
était alors complètement délirant, parlant d’un œil qui le poursuivait, de
personnes qui voulaient lui raser la barbe. Cela a été une agonie assez
terrible.
Tout à fait par hasard, lorsque nous fouillions le domaine, nous avions
découvert un petit autel de Sigmar et, à la place de la représentation
habituelle du marteau du divin fondateur, était cachée une arme remarquable. Il
s’agit d’un marteau de guerre nain, de très belle facture et gravé de
nombreuses runes. Nous avons ensuite appris que c’était une autre servante, une
amie du nain, qui l’avait camouflé là car Korden disait qu’on allait le lui
voler. Grunilda a alors récupéré ce marteau et promis de rechercher un membre
du clan de ce nain pour lui rendre cette arme peu ordinaire. Jusqu’à
maintenant, nous n’avions pas rencontré de membre de cette famille et en arrivant
à Karak Azgaraz, Grunilda a été interroger le maître archiviste de la ville, Hagar Barbe-Grise, et le gardien des
rancunes, Grom Brokkson. Mais, aussi surprenant que cela paraisse, ils
n’avaient aucune information précise sur Korden, son clan et leur citadelle
d’origine, ni même sur le marteau. Il faut entreprendre des recherches plus
approfondies dans les milliers de documents que referment les archives. Comme je
suis disponible et que ce type d’activité est à ma portée malgré ma blessure,
j’ai proposé mon aide à Hagar et Grunilda pour cette enquête. Cela me permettra
au moins de travailler un peu mon khazalide et après quelques heures de lecture
et de traductions laborieuses, je crois que cela ne me fera pas de mal…
Voilà pour mes journées studieuses.
J’ai aussi eu le temps de me promener un peu dans la ville. Je ne cesse de
m’émerveiller de l’architecture du lieu. Le quartier des artisans, qui occupe
tout un niveau, m’attire particulièrement. Les réalisations des nains sont
extraordinaires. J’ai accompagné Grunilda chez un maître des runes. Nous
l’avons regardé travailler et écouté
nous expliquer son art. C’était passionnant. Grunilda y était déjà allé
pour lui montrer le marteau et elle a eu l’air fascinée, je crois même qu’elle
s’est renseignée sur ce métier…
Hier soir, à l’auberge nous avons
discuté avec des voyageurs qui arrivaient d’Ubersreik. Ils étaient passés
devant ce qu’il reste d’Hugeldal. La ville a été bouclée et mise en quarantaine
par les répurgateurs. S’il y a encore des survivants dans la cité, il ne leur
reste qu’à mourir de faim ; ces méthodes sont vraiment sans pitié. Ceci
dit, je ne crois pas (j’espère) qu’il y a eu des survivants face à la folie
meurtrière des monstres qui ont déferlé sur la ville.
Le plus triste et injuste, c’est
que les répurgateurs ont dit aux voyageurs que l’origine du mal était à
rechercher dans la vie dissolue que menaient les habitants, c’est une punition
divine pour leurs pêchés. Les mœurs des citadins ne m’ont pas paru
particulièrement dépravés, en fait, même pas du tout … Certes, il n’y avait plus aucun religieux, mais ils avaient été
chassés par les manipulations de quelques-uns, non par la population. Surtout,
j’ai pu constater de mes propres yeux que les sorciers et les monstres étaient
venus de l’extérieur. Même le docteur et l’aubergiste obéissaient à des ordres
qui leur venaient d’ailleurs, ils n’agissaient pas de leur propre chef.
C’est un peu facile de mettre un
couvercle et de dire que le problème est réglé : Narnscabber, le nécromancien
d’Ubersreik, court toujours, le fameux « F. » court toujours. Ils
peuvent recommencer leurs manigances n’importe où et n’importe
quand ! Nous n’avons plus aucune
piste, mais si je suis sûre d’une chose, c’est que ce n’est pas fini.
Mes compagnons et moi sommes très
affectés par cette histoire, nous nous sentons coupables, même s’il est bien difficile
au juste de savoir de quoi : il n’y avait pas grand-chose à faire et
comment aurions-nous pu empêcher tout ce malheur.
Je vous écrirais d’ici quelques
jours pour vous prévenir de la date à laquelle je pourrais reprendre la route
et rentrer au collège, puisque ma mission est terminée.
Donc à très bientôt.
Je vous prie de croire, mon cher
maître, en ma fidélité envers vous et en ma loyauté envers notre ordre.
Puisse Sigmar, nous préserver du
mal.
Votre dévouée acolyte
Hannah van Baumer
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