vendredi 15 mai 2015

Karak Azgaraz


À Maître Werner Beike
Collège Flamboyant
Altdorf

Karak-Azgaraz, le Marktag 2 Pflugzeit 2521

Mon bien cher maître,
Voilà plusieurs jours que nous avons atteint Karak Azgaraz, la grandiose citadelle des nains.
J’ai bien récupéré le paquet que vous m’avez adressé ici et qui m’a attendu certainement plus longtemps que prévu Je suis extrêmement fière et flattée de la confiance que les magisters et vous m’avez accordée et je ferais tout pour m’en montrer digne. J’ai immédiatement ceint la chaîne d’acolyte et je ne la quitte plus que pour dormir !

Je vous ai envoyé au lendemain de notre arrivée, la lettre que j’avais réussi à écrire aux rares moments calmes de notre fuite depuis Hugeldal. Je pensais pouvoir compléter ce récit rapidement, mais hélas j’ai dû prendre quelques jours de repos pour soigner ma blessure au bras et la douleur m’a encore empêchée de tenir une plume jusqu’à aujourd’hui. Par conséquent, je vous prie d’excuser mon écriture un peu mal assurée et il me faudra certainement plusieurs jours pour écrire cette lettre car la plaie me fait encore souffrir.

Je vous ai raconté comment le docteur Verfullen avait tailladé mon bras avec sa lame, lors de son attaque à l’auberge d’Hugeldal. Je n’ai pas pu me faire soigner correctement et l’état de la blessure n’a fait qu’empirer pendant notre voyage dans les Montagnes Grises. Surtout, j’ai commencé à m’inquiéter en repensant aux expériences auxquelles se livrait le docteur et aux personnes peu recommandables qu’il fréquentait. Je suis persuadée aujourd’hui que sa lame était empoisonnée. Dès le lendemain de notre arrivée (nous sommes entrés dans la forteresse en fin de journée), j’ai été me faire soigner à l’infirmerie. La naine qui s’est occupée de moi n’a pas fait dans la douceur. D’ailleurs, la souffrance m’a fait très vite perdre connaissance et j’ai dormi tout le reste de la journée.  Lorsque j’ai repris mes esprits et que Grunilda m’a aidé à enlever mon bandage pour passer l’onguent que l’infirmière nous avait donné, j’ai constaté avec horreur qu’il me manque désormais une bonne partie des muscles de l’avant-bras. La plaie était très infectée et l’infirmière avait dû enlever toutes les chairs corrompues. La bonne nouvelle c’est que visiblement ce remède radical a fonctionné. Je retrouve petit à petit l’usage de ma main et grâce aux onguents la douleur est moins cuisante et la cicatrisation est déjà en bonne voie.
Enfin, pour être tout à fait honnête, je préfère avoir perdu une partie du bras, tant que la moindre trace de corruption a été arrachée. J’ai vu les transformations horribles que cette magie pouvait occasionner. Cette idée m’a beaucoup affectée et j’en ai fait d’affreux cauchemars ! Au fond, je suis donc soulagée, de m’en sortir à si bon compte.

Il nous a fallu quatre jours et  trois nuits pour rejoindre la cité naine après avoir échappé au saccage d’Hugeldal. Comme nous nous élevions sur la route des montagnes, nous avons pu voir la cité en proie aux flammes.  


La première nuit, alors que nous n’avions parcouru que quelques milles, nous avons réussi à trouver un petit surplomb pour passer la nuit. Il est bien connu que ces montagnes sont infestées de gobelins, aussi nous avions prévus des tours de garde et peu avant l’aube, ce ne sont pas des peaux vertes, mais un petit détachement de répurgateurs et de chasseurs de sorcières que nous avons aperçu au loin. Nous avons donc très rapidement repris la route.
Un peu plus loin dans la matinée nous sommes arrivés à proximité d’un petit fort d’où montait une colonne de fumée noire. Klueber est parti en éclaireur. Pour la discrétion, on repassera : nous entendions des branches se casser et des pierres rouler il faut dire que nous étions tous épuisés et il est difficile ne serait-ce que de garder l’équilibre dans ces conditions. Nous le vîmes revenir assez vite : le fort avait été attaqué, ses occupants, des soldats aux armes d’Ubersreik, avaient tous été massacrés et tous les bâtiments étaient saccagés ou brûlés. L’assaut avait dû se dérouler plusieurs jours avant notre venue. La porte avait été défoncée, certainement par une bête monstrueuse. Il ne restait plus âme qui vive, à part quelques charognards en train de se repaître des cadavres et qui s’envolaient à notre passage. Nous avons préféré ne pas trop traîner là et nous avons repris la route.

A la tombée de la nuit, nous étions épuisés et la perspective d’une deuxième nuit à la belle étoile ne nous réjouissait guère. Il fait tellement froid dans ces montagnes et on s’y sent si peu en sécurité
Alors que nous n’y voyions plus rien, Grunilda parvint à distinguer un fortin d’architecture naine un peu plus loin sur la route.
Une grande porte en pierre barrait l’entrée. Très discrète, nous serions certainement passés à côté si Grunilda ne l’avait pas repéré. On pouvait distinguer quelques meurtrières, mais aucune lumière ne filtrait. Nous frappâmes mais personne ne vint, alors nous poussâmes les lourds battants et la porte s’ouvrit sans difficulté. Il s’agissait d’un hall, d’assez grande taille, creusé dans la montagne. Grunilda nous le décrivit car nous n’osions pas allumer de torche de peur d’être repérés depuis l’extérieur. Il y avait de la mousse aux murs, de la poussière au sol et des infiltrations d’humidité. L’endroit semblait abandonné depuis un bon moment. Il y avait une seconde porte qui s’ouvrit aussi facilement que la première. Elle amenait à un escalier. Evidemment, comme nous ne voyons rien, seule Grunilda descendit et arriva dans une salle qui comportait trois nouvelles portes. Elle ne décela aucune trace d’activité ou d’une présence récente. Nous n’avions ni le courage ni la force de nous lancer dans l’exploration. Aussi, nous nous sommes installés dans le hall, avec les chevaux, et nous avons barricadé les deux portes. Nous n’étions pas trop mal, il faisait moins froid que dehors, même si nous rêvions tous d’un bon feu, mais cela nous paraissait trop risqué. Nous avions prévu de faire des tours de garde, mais nous nous sommes endormis et c’est la lumière du jour qui nous a tous réveillés
Finalement, cette nuit nous fit le plus grand bien. Nous avons un peu mangé puis nous avons décidé de visiter l’ensemble du fortin. Nous descendîmes les escaliers et entrâmes dans chaque pièce. Le lieu se révéla bel et bien abandonné. Les occupants avaient pris toutes leurs affaires, leurs provisions ; il ne restait plus rien. La seule anomalie que nous repérâmes était un petit tunnel qui débouchait dans le cellier et qui s’enfonçait profondément dans la montagne. Il s’en dégageait une mauvaise odeur et nous n’avons pas eu le courage (ni l’envie) d’aller y fourrer notre nez

Nous sommes donc repartis à travers les Montagnes Grises, qui portent fort bien leur nom. Autour de nous, le paysage était complètement désolé. A cette altitude, il n’y avait que des rochers, de l’herbe rase et quelques arbustes rabougris. On voyait encore des nappes de neiges, de ci de là, dans les creux du relief.
Nous avons eu de la chance car il n’a pas plu durant tout notre périple. A midi, nous avons décidé de faire un feu : nous avions besoin de manger au moins un repas chaud. En revanche, le soir nous ne trouvâmes aucun abri et afin de ne pas attirer l’attention des sales créatures qui peuplent ces montagnes nous n’allumâmes pas de feu. Cette nuit fut certainement la pire : nous avons eu très froid, j’avais de mon côté de plus en plus mal au bras et nous commencions à vraiment nous décourager. Toutefois, la nuit se passa sans encombre.
Tout comme la journée suivante, d’ailleurs. Nous nous arrêtâmes pour manger et nous fîmes un feu. La route commençait à s’élargir et elle semblait mieux entretenue, avec de plus en plus de sections pavées.

En fin d’après-midi, la route nous conduisit au-delà d’un col dans une nouvelle gorge. Et, au milieu de celle-ci, se dressait une immense porte gardée par deux gigantesques statues de nains : Grungni et Grimni, selon Grunilda. Cet ensemble fermait complètement la gorge, je n’avais jamais rien vu de tel. Quelle architecture impressionnante ! Les murs d’Altdorf font bien pâle figure, à côté !
Je ne saurais expliquer à quel point cette vision majestueuse nous transporta de joie : nous avions enfin atteint Karak Azgaraz et nous allions enfin pouvoir être en sécurité. Le dernier mille fut interminable. A côté de ces portes monumentales, une route plus étroite menait à une porte d’assez belle taille, mais sans comparaison avec les autres. 
Lorsque nous frappâmes un garde arriva immédiatement et ouvrit une petite trappe pour nous interroger.  Nous lui expliquâmes ce qui nous amenait et je lui montrais mon laisser-passer ; il nous fit entrer sans plus de question. Nous n’avions pas la peau verte, je pense que cela suffisait nous passâmes à travers une chicane puis nous pénétrâmes dans une sorte de grande vallée intérieure avec de petits champs, des pâturages et des fermettes entourant un grand lac sur lequel la voie devenue majestueuse mène à l’entrée de la Cité. Enfin, nous avons atteint la ville, installée au cœur d’une montagne.
Vous devez bien connaitre tout cela, puisque vous êtes déjà venu ici. Mais, c’est un tel plaisir pour les yeux, cet endroit est si impressionnant !
Nous avons croisé des nains et des humains plus nombreux que je ne l’aurais cru. D’ailleurs, l’auberge dans laquelle nous nous sommes installés est tenue par un humain. Les chambres sont certainement les plus confortables où j’ai pu dormir jusqu’ici. Il y a de l’eau courante et chaude disponible dans les chambres ! C’est un vrai bonheur ! Et le cuisinier est un Halfelin : les repas sont véritablement succulents !  


Karak-Azgaraz, le Bezahltag 4 Pflugzeit 2521

Comme je le craignais, l’écriture me fatigue très vite. Je dois donc m’y reprendre à plusieurs fois pour terminer mon récit. Mais il faut que je persévère car je pense que c’est bon pour moi d’exercer ma main et que cela m’aidera à guérir plus vite. Je vais d’ailleurs commencer à remplir le nouveau grimoire que vous m’avez offert. Il est vraiment très beau, je suis sûre que c’est vous qui l’avait choisi car j’ai reconnu le papier, bien épais et très blanc, qui est fabriqué à Nuln. Je sais que vous l’appréciez autant que moi, vous m’en réclamez tous les ans quand je rentre chez mon père pour les fêtes de Verena. Le cuir de la couverture a un grain magnifique et il est très doux au toucher et quel beau rouge ! Le fermoir et les renforts d’angles en argent ressortent très bien dessus et la gravure est très fine. Vraiment je vous remercie !
J’ai dû racheter de l’encre et de nouvelles plumes, mais Karak Azgaraz est une ville extraordinaire et on y trouve tout ce qu’on peut chercher.
Je dois consigner ce que j’ai pu apprendre au cours de ce voyage : les créatures et les adversaires que nous avons rencontrés ; ce que j’ai appris de la détestable magie du Chaos et de la nécromancie et surtout de la manière dont ces déments se battent. J’en ai pour de longues heures de travail, mais je sais que c’est important et cela me permet de mettre à profit ma convalescence. Nous allons être bloqués ici pendant quelques temps : je ne peux pas repartir avec un bras dans cet état et Grunilda souffre encore beaucoup de sa jambe cassée. Mais, je me plais bien dans cette cité souterraine et  je ne vais certainement pas me plaindre.
Lars et Klueber disparaissent presque toute la journée : Lars a acheté un pistolet – ou une arme de ce genre, je n’y connais pas grand-chose – et il apprend à s’en servir. Quant à Klueber eh bien, je ne sais pas trop !
Grunilda a entrepris de faire des recherches sur le clan Kurgansson. Cela mérite quelques explications car je ne crois pas avoir évoqué ce sujet lorsque je vous ai raconté notre séjour chez Lord Rickard Aschaffenberg. Parmi ses serviteurs, sur le domaine, se trouvait un nain du nom de Korden. Il était forgeron. Au cours de la première attaque des hommes-bêtes, il avait été gravement blessé et il était mourant à notre arrivée. Grunilda avait passé un peu de temps avec lui, émue par son état. Il était alors complètement délirant, parlant d’un œil qui le poursuivait, de personnes qui voulaient lui raser la barbe. Cela a été une agonie assez terrible. 
Tout à fait par hasard, lorsque nous fouillions le domaine, nous avions découvert un petit autel de Sigmar et, à la place de la représentation habituelle du marteau du divin fondateur, était cachée une arme remarquable. Il s’agit d’un marteau de guerre nain, de très belle facture et gravé de nombreuses runes. Nous avons ensuite appris que c’était une autre servante, une amie du nain, qui l’avait camouflé là car Korden disait qu’on allait le lui voler. Grunilda a alors récupéré ce marteau et promis de rechercher un membre du clan de ce nain pour lui rendre cette arme peu ordinaire. Jusqu’à maintenant, nous n’avions pas rencontré de membre de cette famille et en arrivant à Karak Azgaraz, Grunilda a été interroger le maître archiviste de la ville,  Hagar Barbe-Grise, et le gardien des rancunes, Grom Brokkson. Mais, aussi surprenant que cela paraisse, ils n’avaient aucune information précise sur Korden, son clan et leur citadelle d’origine, ni même sur le marteau. Il faut entreprendre des recherches plus approfondies dans les milliers de documents que referment les archives. Comme je suis disponible et que ce type d’activité est à ma portée malgré ma blessure, j’ai proposé mon aide à Hagar et Grunilda pour cette enquête. Cela me permettra au moins de travailler un peu mon khazalide et après quelques heures de lecture et de traductions laborieuses, je crois que cela ne me fera pas de mal
Voilà pour mes journées studieuses. J’ai aussi eu le temps de me promener un peu dans la ville. Je ne cesse de m’émerveiller de l’architecture du lieu. Le quartier des artisans, qui occupe tout un niveau, m’attire particulièrement. Les réalisations des nains sont extraordinaires. J’ai accompagné Grunilda chez un maître des runes. Nous l’avons regardé travailler et écouté  nous expliquer son art. C’était passionnant. Grunilda y était déjà allé pour lui montrer le marteau et elle a eu l’air fascinée, je crois même qu’elle s’est renseignée sur ce métier

Hier soir, à l’auberge nous avons discuté avec des voyageurs qui arrivaient d’Ubersreik. Ils étaient passés devant ce qu’il reste d’Hugeldal. La ville a été bouclée et mise en quarantaine par les répurgateurs. S’il y a encore des survivants dans la cité, il ne leur reste qu’à mourir de faim ; ces méthodes sont vraiment sans pitié. Ceci dit, je ne crois pas (j’espère) qu’il y a eu des survivants face à la folie meurtrière des monstres qui ont déferlé sur la ville.
Le plus triste et injuste, c’est que les répurgateurs ont dit aux voyageurs que l’origine du mal était à rechercher dans la vie dissolue que menaient les habitants, c’est une punition divine pour leurs pêchés. Les mœurs des citadins ne m’ont pas paru particulièrement dépravés, en fait, même pas du tout Certes, il n’y avait plus aucun religieux, mais ils avaient été chassés par les manipulations de quelques-uns, non par la population. Surtout, j’ai pu constater de mes propres yeux que les sorciers et les monstres étaient venus de l’extérieur. Même le docteur et l’aubergiste obéissaient à des ordres qui leur venaient d’ailleurs, ils n’agissaient pas de leur propre chef.
C’est un peu facile de mettre un couvercle et de dire que le problème est réglé : Narnscabber, le nécromancien d’Ubersreik, court toujours, le fameux « F. » court toujours. Ils peuvent recommencer leurs manigances n’importe où et n’importe quand !  Nous n’avons plus aucune piste, mais si je suis sûre d’une chose, c’est que ce n’est pas fini.
Mes compagnons et moi sommes très affectés par cette histoire, nous nous sentons coupables, même s’il est bien difficile au juste de savoir de quoi : il n’y avait pas grand-chose à faire et comment aurions-nous pu empêcher tout ce malheur.

Je vous écrirais d’ici quelques jours pour vous prévenir de la date à laquelle je pourrais reprendre la route et rentrer au collège, puisque ma mission est terminée.
Donc à très bientôt.

Je vous prie de croire, mon cher maître, en ma fidélité envers vous et en ma loyauté envers notre ordre.
Puisse Sigmar, nous préserver du mal.

Votre dévouée acolyte
Hannah van Baumer


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