vendredi 20 mai 2016

La Reconquête de Karak-Dronar


La reconquête de Karak-Dronar

Par Grom Brokkson, Gardien des rancunes de Karak-Azgaraz,
d’après le récit que lui fit Grunilda Durakson plusieurs années après la reconquête de Karak-Dronar.

L
a noble forteresse naine fut bâtie jadis au cœur des Montagnes Noires. Dimzad du clan Kurganson, le thane ingénieur installa son clan au bout d’une vallée, sous un mont percé de nombreuses cavernes et boyaux où les courants d’air s’engouffrent en sifflant si fort qu’on croirait entendre cris et hurlements. Ainsi, le lieu fut nommer la Montagne des Vents Hurlants.
Les Nains sculptèrent un grand visage à l’entrée de la vallée. A l’autre bout, ils creusèrent très profondément sous la montagne pour créer leur petite cité. D’abord un grand hall, surmonté d’une salle de garde, puis un long couloir avec de part et d’autre de spacieuses cellules où les valeureux guerriers pouvaient se reposer et ranger leurs armes, ces haches aiguisées et ces marteaux puissants dont les forgerons nains gardent le secret. Ensuite, les visiteurs pouvaient pénétrer dans une grande salle destinée à rendre hommage aux thanes du lieu, avec leurs statues impressionnantes et leurs sarcophages. Au fond, une immense porte s’ouvrait sur une nef extraordinaire avec en son centre la plus grande forge jamais édifiée : au-dessus d’une enclume, haute comme quatre nains, était suspendu un marteau prodigieux et si lourd qu’il avait fallu inventer tout un système de poulies et d’engrenages pour le manipuler. Cela avait était si bien réalisé qu’un seul nain pouvait l’actionner grâce à une simple manivelle.
Un magnifique exemple d’ingénierie naine ! Un véritable chef-d’œuvre !
Au-delà d’autres salles furent encore creusées s’enfonçant toujours plus loin dans les profondeurs de la terre. Elles pouvaient atteindre des dimensions incroyables, les hauts plafonds soutenus par des forêts de colonnes. Au temps de sa splendeur, la forteresse des Montagnes Noires abritait de nombreux nains : des guerriers, des forgerons, des ingénieurs et toutes leurs familles. 

E
t les nains vécurent pendant des siècles sous la Montagne des Vents Hurlants. La légende n’a retenu que l’histoire de leurs dirigeants. Dimzad mourut lors d’un éboulement et fut le premier à reposer dans le mausolée. Son fils Hargin prit sa suite, c’était un grand guerrier mais il périt à cause de la traîtrise des maudits elfes. Il fut à son tour remplacé par Kettri, surnommé l’Irréductible, car ce fier combattant fit mordre la poussière à de nombreux gobelins. On raconte qu’il avait pris les têtes de 87 chefs peaux-vertes. Il fut emporté hélas dans la fleur de l’âge et loin des champs de bataille. Son fils Thingol, trop jeune et sans expérience, n’avait pas le talent de son père et périt lors d’une confrontation avec ces misérables orques. Ce fut alors Stronnomir qui monta sur le trône. Ce nain courageux en des temps difficiles devint l’allié des hommes. C’était également un brave guerrier et son arme, le marteau des Démons, possédait une puissance unique. Comme autrefois Hargin, ce n’est que par la félonie que ses ennemis réussirent à le terrasser.  Enfin, Dumwin est le dernier thane qui trouva le repos dans la cité sous la Montagne des Vents Hurlants. Pourtant il expira loin de sa maison, lors d’une bataille héroïque pour secourir nos frères nains de Karak Lombar. Son fils Drumin dût subir l’exil et la honte de voir sa cité prise par l’horrible créature Mydthroth. Il tenta de reprendre son foyer, il était armé de son puissant marteau, héritage de Stronnomir. Malgré toute l’énergie du thane, son courage et son immense volonté et malgré la valeur de ses compagnons, le monstre ne fut pas vaincu et les fiers nains trépassèrent au seuil de leur demeure.

L
es survivants n’eurent d’autre choix que de partir, loin de la Montagne des Vents Hurlants, loin de Karak Dronar. Et le silence s’abattit sur la cité. Et les cendres des derniers foyers s’envolèrent. Et la poussière recouvrit le sol, les sarcophages et les statues des thanes, la grande forge avec son enclume et son marteau géants. Et le bois des meubles s’effrita. Et les métaux se couvrirent de rouille. Et l’herbe poussa sur le chemin dans la vallée, puis des buissons et des arbres. Et le vent s’engouffra dans les cavernes et les salles abandonnées. Et le froid envahit tout.
Puis ce furent des bestioles, rats, oiseaux, qui prirent possession du lieu. Après arrivèrent d’autres vermines, à la peau verte. Ils saccagèrent et souillèrent tout ce qu’ils trouvèrent. Ils s’installèrent dans les cellules, parcoururent les grandes salles. Mais ils ne s’enfoncèrent pas dans les salles les plus noires et les plus profondes. Car Mydthroth était toujours là, immobile, endormi ou mort, qui sait ? Ils n’avaient pas l’intention d’aller vérifier, préférant s’accommoder de cette menace et éviter de le réveiller.

L
es siècles succédèrent aux années. La mémoire de la noble forteresse s’effaça. Les descendants des exilés disparurent les uns après les autres, dispersés aux quatre coins du monde. Le marteau, ultime relique, passa de main en main jusqu’à la mort du dernier héritier du clan, un forgeron du nom de Korden, qui succomba aux blessures que lui avaient infligées des hommes-bêtes dans la forêt de Reikwald. Mais l’histoire de cette arme extraordinaire ne s’arrêta pas là, car par chance une vaillante naine vint à passer par là. La combative Grunilda Durakson accompagna Korden lors de son agonie et elle récupéra le marteau. Elle en sentit immédiatement l’importance. Avec ses trois compagnons humains, deux hommes d’arme et une magicienne, ils mirent en déroute la horde d’hommes-bêtes puis, après de multiples aventures, leur périple les mena jusqu’à notre grandiose Karak Azgaraz, au cœur des Montagnes Grises. Là, avec l’aide d’Hagar Barbe-Grise, notre archiviste et de moi-même, Grunilda retrouva l’histoire du fabuleux Marteau des Démons et de ceux qui le possédèrent. C’est ainsi, qu’après des siècles d’oubli le nom de Karak-Dronar fut à nouveau prononcé. Gronmir Dorisson, Thane de Karak Azgaraz comprit qu’il était de son devoir de tout mettre en œuvre pour ramener le marteau dans la cité et le rendre au clan Kurganson. Hélas, dans les Montagnes Grises notre forteresse était l’un des derniers remparts contre les invasions de peaux vertes et la situation était trop grave pour se séparer d’un seul de nos guerriers. Il confia donc cette mission à Grunilda et ses compagnons, tout en assurant la logistique de l’expédition. 

I
l fallut plusieurs semaines à ces intrépides aventuriers pour traverser une bonne partie de l’Empire et trouver la cité. Ils durent affronter de nombreux dangers sur leur route. Et jusqu’au bout, les difficultés s’accumulèrent. Dépouillés par des traîtres qui devaient leur servir de guides, harcelés par des bandes hargneuses de gobelins, épuisés mais ne baissant jamais les bras, ils finirent par trouver la vallée au cœur des Montagnes Noires, par-delà le col du Feu Noir. Ils découvrirent le monument érigé jadis à la mémoire du brave Drumin par ses derniers compagnons avant de partir en exil : un fier obélisque sur lequel était gravée l’histoire du dernier thane et de sa triste fin :

« En mémoire du brave Drumin, notre honorable Thane
Qui dû quitter Karak Lumbar au nom de son père.
A côté de lui marchaient ses gens, son clan comptant sur lui
Pour construire un nouveau foyer, leur maison sous la Montagne des Vents Hurlants.
"Frères", a déclaré Le Thane "notre voyage a été long,
Et il est temps maintenant pour la célébration et la chanson ".
Et, les coureurs en ont perdu leurs jambes, les marteliers leurs bras,                                                         Et a écrasé la tête de Duri,
Et a broyé le c
œur de Finar et arraché les tripes de Grum.
Ses griffes cruelles ont balayé le pauvre Borir, droit au (illisible).
"Quitte ces halls créature maudite ! Loin de nous ! Hors des murs
 !!"
Cria le vaillant Drumin, levant son marteau runique en l’air.
"Laisse mon clan être, ou je te chasserai !"
La créature l’atteint et lui arracha le bras.
Ainsi passa Drumin Dumwinson, seigneur courageux
Ses gens ont quitté cet endroit, pour connaître des fins nauséabondes en terres étrangères.
Au rôdeur dans les profondeurs, Grungni a maudit son nom,
Mydthroth à la main maudite, le Tourmenteur des Thanes. »

H
eureux de toucher au but de leur voyage, les aventuriers aperçurent le visage nain sculpté dans la roche et que ni le vent, ni la pluie n’avaient pu effacer. Ils remontèrent le long de la vallée jusqu’aux vieilles portes de la cité. Au-dessus se trouvaient encore sept entrées de cavernes, parfaitement circulaires où les courants d’airs se précipitaient dans un bruit d’enfer.
Les héros pénétrèrent dans la cité silencieuse par le grand hall abandonné. Quand leurs yeux se furent habitués à l’obscurité, ils décelèrent une faible lueur semblant provenir du dessus du hall. Aussi discrètement que possible, ils trouvèrent les escaliers qui menaient à l’ancienne vigie de garde. N’écoutant que leur courage, ils gravirent les marches usées par les pas et le temps et surprirent plusieurs gobelins, armés jusqu’au dent. Le combat fut âpre mais rapide : Grunilda maniant le marteau avec dextérité et ses compagnons, également combattants aguerris, ne laissèrent aucune chance à ces maudites créatures. Ils entreprirent ensuite l’exploration des salles, glissant telles des ombres vengeresses éliminant sans pitié les usurpateurs qui occupaient indûment la forteresse. Sans pitié, ils se débarrassèrent ici d’autres gobelins, là d’un vorace squig rouge sang, plus loin encore d’une horde de répugnants snotlings. Ils parvinrent ensuite au mausolée et furent attristés de voir l’état dans lequel les immondes envahisseurs l’avait laissé, souillé, rempli d’immondices. Toutefois, les lourds sarcophages, taillés dans la pierre, n’avaient pas été profanés. Grunilda prit le temps de lire les noms des thanes. Sur chaque sarcophage, se trouvait une épitaphe et une petite niche avait été aménagée afin de recevoir un objet ayant appartenu au défunt. Sur celui de Stronnomir, « l’ami des hommes et le porteur du Marteau des Démons », la petite alcôve était vide, attendant sans nul doute l’arme légendaire. Avant de le déposer, encore fallait-il être sûr d’avoir éliminé tous les envahisseurs. Les aventuriers continuèrent donc d’avancer. Dans la grande forge, ils découvrirent des voyageurs qui avaient été fait prisonniers dans les montagnes et les libérèrent. Ils traversèrent encore une immense salle où une forêt de colonnes soutenait le plafond qui était à peine visible du sol. Au fond, derrière une porte entrouverte ils virent de la lumière. Au milieu du silence, ils entendirent distinctement une sorte de grognement ou plutôt un souffle rauque ; une respiration lente et régulière, forte et effrayante. Impossible de deviner d’où le son venait exactement, il semblait remplir tout l’espace. Mais il en fallait plus pour venir à bout de leur courage et ils entrèrent dans la salle éclairée d’un pas résolu. C’est là que c’était retranchée une dizaine de gobelins, dont un chaman vicieux. Ce dernier n’hésita pas à lancer des sorts qui touchèrent ses propres congénères. Par sa vile magie, il tenta de détruire la belle armure de Grunilda qui la rendait presque invincible. Il manqua d’y parvenir, mais c’était sans compter la détermination des aventuriers. Ils finirent par prendre l’ascendant, lançant carreaux d’arbalètes et éclairs de feu, taillant à coup d’épée et écrasant sous le légendaire marteau.

Q
uand le bruit de la bataille cessa, un silence de mort s’abattit sur la forteresse. Le ronflement s’était arrêté. Les aventuriers savaient qu’il ne pouvait avoir été produit par les gobelins dont ils venaient de se débarrasser. Il restait un ennemi à chasser. Quelques minutes suffirent pour qu’ils reprennent leur souffle tant était grande leur rage et leur volonté d’en finir. Au fond de la salle, derrière une nouvelle porte, ils découvrirent un passage et un escalier s’enfonçant dans les profondeurs. Il y faisait très sombre, même pour des yeux de nains et ce n’est qu’au dernier moment qu’ils s’aperçurent de la présence d’une créature et virent son œil immense en train de les observer. Rebroussant chemin aussi vite qu’ils purent, ils sentirent le sol se dérober sous leurs pieds. Le monstre se redressa, entrainant l’écroulement d’une partie du plancher, la porte et son encadrement explosèrent comme ils regagnaient la grande salle avec ses colonnades vertigineuses. Là, ils purent se cacher et observer une bête immense, mi-ogre, mi-reptile, mugissante et précédée par une odeur fétide. Ils reconnurent un dragon-ogre, sans trop en croire leurs yeux, car ils pensaient qu’il s’agissait là d’une créature légendaire. Ils comprirent également qu’il devait être ce cruel Mydthroth, qui avaient pris la vie de courageux nains avant de s’endormir pour plusieurs siècles. Comment tuer un tel monstre ? Et pouvaient-ils seulement lui échapper ?

I
ls commencèrent par le harceler, en le bombardant de projectiles puis disparaissant derrière une colonne. Mais les flèches rebondissaient sur les écailles et la peau épaisse et les boules de feu étaient comme absorbées. Des sortes d’éclairs glissaient sur ce corps monstrueux et la bête enrageait, donnant des coups de queue dans les colonnes et les faisant s’effondrer. Des gravats et des pierres commencèrent à tomber de la voûte. L’un des aventuriers se retrouva coincé sous ces décombre et perdit connaissance. Alors, Grunilda s’élança avec son marteau et attira son attention, elle l’attira dans la grande forge et réussit à lui faire gravir les marches jusqu’à l’enclume, au même instant, l’un de ses compagnons actionna la manivelle qui commandait le marteau. Malgré les années, la rouille et la poussière, les engrenages fonctionnèrent à merveille, et, telle la foudre, le marteau s’abattît sur le monstre et lui brisa les reins. Par-delà les siècles, les nains furent vengés grâce à l’une de leur plus formidables machines.  

C
’est ainsi que l’immonde Mydthroth fut terrassé. Les aventuriers en sortirent blessés, Grunilda y perdit sa belle armure et la forteresse fut en partie ravagée. Mais tous les ignobles envahisseurs de la noble cité avaient été débusqués et anéantis. L’humiliation et la souillure avaient été expiées et justice était rendue. Grunilda déposa le Marteau des Démons là où repose Stronnomir, sous la Montagne des Vents hurlants. Alors les esprits des nains de Karak-Dronar purent enfin retrouver la paix.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire