dimanche 4 mars 2018

D'un culte qui se révèle

JOURNAL DE H. VAN BAUMER
Middenheim, le 12 Nachgeheim 2521

Après la triste fin du professeur von Oppenheim, il nous restait encore à résoudre plusieurs problèmes avant de répartir vers Altdorf.
Notre première préoccupation était de retrouver Adèle Kentzenblum comme nous l’avait demandé le Capitaine Baherfaust et de l’interroger sur son enquête à propos de la Cagoule Noire qui avait bien empoisonné notre séjour à Averheim.

Nous avions une première piste avec l’auberge du Hibou Brun. Mais avant de nous y rendre, nous tenions à accompagner une dernière fois notre ami Verner qui après nous avoir menés à bon port s’apprêtait à rentrer à Averheim. Nous nous retrouvâmes donc au dépôt de Castelrock pour lui souhaiter un bon retour et le remercier encore de son aide pendant notre périple. Nous le regardâmes s’éloigner tranquillement.
Il y avait là le patron du dépôt, un certain Gunther et nous engageâmes la conversation avec lui pour essayer d’obtenir des informations sur son patron, le Graf von Aschenbeck. Nous apprîmes ainsi que les affaires du Graf se portraient plutôt bien et qu’ils ne manquaient pas d’activité ici. En effet, depuis l’hôtel en face, nous avions pu constater que les coches se succédaient plusieurs fois par jour dans la cour centrale, chargés de voyageurs et de marchandises. Il nous dit également que c’était un bon patron et un homme respectable et apprécié dans la ville, de surcroit un Ulricain convaincu. Nous lui demandâmes s’il était possible que sa compagnie cherche des gardes du corps ou des convoyeurs et si nous devions nous adresser au Graf pour cela. Il nous expliqua que pour les affaires courantes il fallait s’adresser à Werner Markheim, le bras droit du Graf. Au changement de ton dans sa voix, on devinait facilement qu’il l’appréciait moins que son supérieur. Nous le lui fîmes remarquer, prétextant que nous voulions nous informer avant de le rencontrer le cas échéant. « C’est un jeune blanc-bec et un arriviste. Il a bien des qualités pour son poste, mais il est très arrogant, avec des manières de noble, ce qu’il n’est en rien. C’est dommage que le Graf lui délègue tant… » répondit-il avant de se raviser, de crainte d’en avoir trop dit en se laissant emporter. A tout hasard, nous lui décrivîmes Adèle et lui demandâmes s’il l’avait vu. Ravi de changer de conversation, il s’empressa de nous dire qu’elle était bien arrivée il y avait un jour ou deux. Il alla vérifier dans son registre et ajouta que ses bagages avaient été portés à l’Auberge du Bon Espoir.

Pendant que Grunilda et Eckhart se rendaient au Hibou brun, Klueber, Lars et moi allâmes au Bon Espoir. C’était un établissement très luxueux dans le quartier très cossu du Nordgarten. Dès que nous franchîmes la porte, les employés nous regardèrent de travers. Tous ce que nous pûmes en tirer fut qu’effectivement Madame Kentzenblum logeait là, mais qu’il était hors de question qu’on la prévienne de notre visite ou qu’on importune d’une quelconque manière. C’est tout juste si le majordome à l’accueil accepta de prendre un message pour elle. Plus tard Eckhart nous rejoignit. Il n’avait pas eu plus de chance que nous. L’aubergiste du Hibou brun avait nié avoir vue Adèle récemment ; à tout hasard, il avait quand même laissé un message à son attention.
En revanche, Grunilda était restée pour surveiller l’auberge. Il nous raconta aussi, qu’à l’auberge, il avait entendu des gens discuter entre eux d’un scandale qui allait certainement éclater car une enquête était ouverte contre un haut personnage de la ville ; il avait cru comprendre qu’il s’agissait du Graf von Aschenbeck. Eckhart et moi nous rendîmes au temple de Verena pour consulter quelques archives tandis que Klueber et Lars décidèrent d’entamer une tournée des tavernes pour essayer d’obtenir d’autres rumeurs.

Au temple, nous commençâmes par enquêter sur l’histoire du Graf. Il était issu d’une famille aristocratique mineure dont la fortune excédait de beaucoup le rang. Les affaires familiales couvraient différents domaines en plus de la compagnie de coches, il détenait plusieurs commerces et auberges. Après une jeunesse mouvementée et une courte carrière militaire, le jeune Wolfgang von Aschenbeck était rentré dans la rang après le décès soudain de son frère ainé ; il a épousé la veuve de son frère, également issue d’une famille aristocrate du Middenland mais de plus haut rang que lui. Il s’était ensuite appliqué à diriger son affaire avec rigueur et succès. Il avait définitivement abandonnée sa vie un peu dissolue après la naissance de sa fille, Margarete. Aujourd’hui veuf, c’était un citoyen modèle, généreux notamment envers les temples de Shallya et Ulric.
Je jetais un rapide coup d’œil aux registres des transactions établies sous la protection de Verena. C’est très fréquent chez de nombreux hommes d’affaires de rechercher le patronage de la déesse pour garantir leurs contrats en attestant de leur honnêteté. Mon père le fait systématiquement pour ses affaires les plus importantes. Je ne fus donc pas surprise de retrouver régulièrement le nom du Graf jusqu’à récemment. En revanche, rien au cours des derniers mois. Sachant qu’il avait délégué une partie de ses affaires à son bras droit je cherchais le nom de Markheim, mais ne le vis nulle part. De leur côté, nos deux piliers de bars recueillirent de nombreuses rumeurs sur une enquête ouverte contre le Graf. On le soupçonnait visiblement de malversations mais aussi de trahison et de corruption.
En rentrant à notre auberge, un message d’Adèle nous attendait. Elle nous donnait rendez-vous le soir même, au Coquelet, une taverne toute proche. Nous devrions demander Frau Haken.
Dans l’après-midi, nous nous rendîmes au manoir des Aschenbeck. Il fut impossible de rencontrer le Graf, mais nous nous y attendions… Nous laissâmes donc une lettre que nous avions préparée où nous proposions nos services en tant que gardes du corps, insistant sur nos expériences auprès du Graf Von Kaufman à Averheim et du Comte von Aschafenberg à Ubersreik. Nous retournâmes chercher Grunilda qui avait surveillé l’auberge du Hibou brun depuis le matin, hélas en vain.

Le Coquelet est un restaurant tenu par des Halfelins qui sert une excellente cuisine. En revanche, la salle est toujours bondée et très basse de plafond ; on y étouffe un peu et les humains peuvent s’y sentir oppressés, notamment quand ils sont grands comme Eckhart ; ce dernier préféra donc patienter dehors.
Adèle nous attendait déjà assise à une table dans un petit salon privé. Nous ne débordions clairement pas de joie à l’idée de retrouver l’irritante répurgatrice. Toujours aussi désagréable, elle nous adressa un salut sommaire, nous invitant à nous asseoir avec impatience et me lançant un regard haineux qu’elle devait réserver à tous les mages qu’elle croisait, cela me mit mal à l’aise mais je réussis néanmoins à lui répondre par un grand sourire dont je suis sûre qu’il lui déplut, même si elle n’en laissa rien paraître.
Nous lui dîmes que c’était le Capitaine Baherfaust qui nous envoyait pour se renseigner sur son enquête concernant la Cagoule noire. De sa part, nous obtînmes plus de questions que de réponse. Elle finit toutefois par daigner nous dire qu’elle avait obtenu des preuves que l’expédition menée dans les territoires du Sud et organisée par von Kaufman était noyauté de l’intérieur par un agent des puissances du Chaos. Elle avait eu confirmation qu’un personnage, portant une cagoule noire, était à l’origine de cette infiltration avant de perdre le contact avec ses hommes dans l’expédition. Elle en avait déduit qu’il devait être très influent et disposer d’importants moyens pour réussir cela. A son tour, elle nous posa des questions sur le Graf von Kaufman insistant sur le fait qu’elle n’avait pas confiance en lui. Il avait financé l’expédition dans les terres du Sud après tout et nous savions tous comment cela avait tourné. Ensuite elle nous parla de Mauer le Lumineux, nous suggérant de nous méfier de lui : « Est-ce que vous saviez que sa famille entière a été condamnée au bûcher pour sorcellerie ? nous demanda-t-elle avec un sourire hargneux. Cela s’est passé quand il n’était qu’un petit garçon. J’imagine qu’il ne vous a pas raconté ça. Helstrum, le chasseur de sorcières a épargné le garçon et l’a laissé aux bons soins du Collège Lumineux. Je suis sûre qu’il ne s’agit que d’une question de temps avant qu’il ne finisse attaché à un pieu, comme tous ces magiciens ». Evidemment, en disant cela elle me regarda avec insistance et, dans ses yeux, je ne lus que de la haine. Je m’efforçais de continuer à lui sourire aussi posément que possible. Mais c’était difficile de rester calme et j’aurais rêvé de lui balancer une boule de feu dans sa sale tête.
Et puis tout à coup, elle décida de mettre fin à notre conversation, se leva et sortit en nous saluant à peine. Eckhart la vit sortir et tenta de la suivre mais la perdit très vite. Quand nous le rejoignîmes il nous dit qu’elle semblait se diriger vers le Nordgarten et donc peut-être vers l’auberge du Bon espoir ; Nous nous séparâmes, Eckhart et Lars partirent vers l’hostellerie de luxe tandis que Grunilda, Klueber et moi décidâmes d’aller au Hibou brun. Nous dûmes patienter quelques heures avant de la voir arriver, à pas feutrés, surveillant les alentours (heureusement elle ne nous vit pas). Elle entra dans l’auberge par une fenêtre du rez-de-chaussée. Il y eut de la lumière pendant quelques minutes puis plus rien. Quelques temps après, la longue silhouette d’Eckhart apparut et nous le rejoignîmes. Lars et lui avaient suivi Adèle jusqu’au Bon Espoir. Elle était entrée par la porte principale ; ils avaient attendu une bonne heure avant de la voir ressortir par une fenêtre du premier étage. Quand ils avaient été sûrs qu’elle s’était bien éloignée, il avait aidé Lars à atteindre la fenêtre. Lars avait rapidement fouillé la chambre. Cela ne lui avait pas pris longtemps car elle était presque vide. Le lit n’était pas défait, il n’y avait qu’un sac, avec quelques vêtements. En fait, la chambre semblait plutôt inoccupée. Il était ressorti mais avait décidé de rester en planque au cas où.
Nous décidâmes d’organiser des tours de surveillance. Grunilda resta au Hibou brun pendant que nous autres rentrions à l’auberge de Castelrock. Nous vendrions les relever au petit matin.
Ainsi, quelques heures plus tard, encore un peu endormie je vins retrouver Grunilda avec Klueber. Comme nous discutions des évènements de la nuit ou plutôt de l’absence d’évènements, un léger grincement attira notre attention. Une forme que nous n’eûmes aucun mal à identifier se glissa hors de la chambre du rez-de-chaussée. Adèle s’éloigna très rapidement dans la pénombre qui noyait encore les ruelles. Après quelques minutes, nous décidâmes de profiter de la discrétion que nous offrait cette heure matinale pour nous faufiler dans l’auberge. La fenêtre n’était pas fermée, ce fut donc facile. La chambre d’Adèle était assez petite et meublée très sobrement. Il y avait quelques vêtements posés sur une commode, avec un petit miroir en argent et, à côté, trois crânes argentés servaient de support à trois perruques : une blonde, une brune et une blanche et poudrée comme celles que portent parfois les nobles. Un étui en cuir de la taille d’un grand livre était ouvert sur la table de nuit, il contenait un petit marteau, une fourche, une dague, et d’autres armes, toutes avec des extrémités pointues. Il y avait un dernier emplacement vide avec un négatif en forme de crochet. Deux coffres était disposés contre un mur. L’un contenait des vêtements et des affaires de toilette tandis que l’autre renfermait de nombreux livres, des textes sigmarites, des codes de lois et divers outils (dagues, pieux, fioles…) probablement nécessaires au travail d’une chasseuses de sorcières. Dans un des coffres, je remarquais que le fond sonnait bizarrement, en regardant plus attentivement, nous découvrîmes un compartiment secret. Ce dernier contenait une paire de grandes robes pourpres, brodées et passementées de vert. Il y avait également deux livres et un journal écrit à la main. J’avais encore sur moi le message d’Adèle et quand je comparais les écritures, je vis que la même main les avait tracées. Le journal décrivait des réunions avec des personnages désignés par des pseudonymes : Lame changeante, L’œil-qui-voit-tout, la Vérité Cachée, la Main Bleue, etc. Ces réunions consistaient en des séances de tortures particulièrement vicieuses et se terminaient en orgies débridées. Quant aux livres, il s’agissait de vieux grimoire en mauvais état, l’un intitulé De Magister Voluptatis et l’autre Liber Ecstatica. Je ne pris le temps que de les survoler, mais je compris très vite qu’ils concernaient un culte hérétique voué au démon Slaanesh.
Ces lectures me mirent très mal à l’aise. J’étais au bord de la nausée. Mes compagnons me regardèrent avec inquiétude et j’essayais de leur expliquer brièvement de quoi il retournait. Indécis sur la marche à suivre, nous décidâmes de tout remettre en place aussi bien que possible et de discuter avec Lars et Eckhart sur ce que nous devrions faire ensuite.
Je n’avais jamais apprécié cette horrible bonne femme, mais jamais je ne me serais attendu à ça… Mais que pouvions nous faire ? A qui pouvions nous nous adresser ? A Helstrum ? Etait-il au courant des transgressions de sa disciple ? En était-il complice ?

En rentrant à l’auberge, nous échangeâmes nos informations avec nos compagnons. Eux avaient vu Adèle rentrer à l’auberge du Bon Espoir, toujours par la fenêtre. Ils furent atterrés par ce que nous leur rapportâmes. Tandis que nous discutions, un employé de l’auberge nous amena un nouveau message. Il disait :

« Chers Amis,
Mes investigations sur le Graf von Aschenbeck m’ont amené ici à Middenheim. Je suis visiblement passé quelques heures après vous car les gens que j’ai interrogés m’ont indiqué que des personnes avaient posé les mêmes questions que les miennes.
Pourrions-nous nous rencontrer pour comparer nos notes ? Je loge au Draken, j’y serai ce soir. »

Le mot était signé « Brenner », ce qui ne nous disait rien. Mais qu’avions-nous à perdre ? Nous verrons bien de quoi il en retourne.

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